C’est à la terrasse d’un café que débute mon aventure, le 29 Juillet 2006 devant la porte du 102 Bd de La Villette à Paris. Quelques jours avant le coup d’envoi d’une année sabbatique qui m’effraie un peu. Je suis venu passé un petit moment avec mon amie Claude pour avoir sa bénédiction sur un projet dont les détails m’échappent tout autant que les grandes lignes. Un projet qui s’extrait de la brume épaisse de mon cerveau à mesure que les heures passent. Claude m’écoute et parfois salue des gens de passage. Je lui parle du rêve. Je m’interroge, les rêves sont-ils les mêmes ici à Paris et là-bas à Tokyo ? Claude dit qu’il y a une part de culture dans le rêve.
Alors parce que les cultures sont différentes, les gens auraient des rêves différents ? Nous sirotons nos cafés et mes interrogations se précisent : cette différence n’est-elle pas en quelque sorte une simple strate, une pellicule de désirs que nous confondons avec les rêves ? Peut-être qu’en nous questionnant un peu plus profondément nous pourrions découvrir en nous-mêmes comme en chaque individu un rêve qui serait commun à tous les êtres humains… Je m’égare.
Claude me parle d’un ami commun, me dit qu’il n’a pas assez de force pour réaliser son rêve. « Il est nécessaire d’être en possession de tous ses moyens pour se mettre en marche vers le rêve que l’on porte au fond de soi. On se trompe en imaginant que c’est le rôle du rêve de nous donner de l’énergie. Nous attendons trop souvent de nos rêves qu’ils nourrissent notre vie alors que c’est à nous de les nourrir ».
La porte cochère du 102 s’ouvre à nouveau, une étudiante qui travaille sur une thèse en sociologie vient nous dire quelques mots, en l’écoutant nous raconter ses efforts pour mener à terme l’écriture de sa thèse mon projet s’éclaire. Mais quelles personnes dois-je rencontrer ?
21 Août 2006 Place du Colonel Fabien à Paris, dans un restaurant Turc avec deux assiettes de boulgour devant nous. Je demande à Claude de bien vouloir être ma première « rencontre » pour ce projet. Elle semble inquiète. Long silence. « Tu ne peux pas demander au gens de faire le bilan de leur vie ! C’est trop déprimant ! » Le verdict ne s’est pas fait attendre. Mais finalement elle acceptera l’interview, elle sera la première.
Depuis tant d’années Claude dessine, écrit, publie des livres, expose des artistes, selon son goût, selon son choix, ils sont légions à être passé dans sa galerie. Mais depuis quelques temps, elle dérange les copropriétaires avec sa petite galerie… trop de visiteurs, trop de mouvement, trop de bruits etc. Claude est pourtant là pour empêcher l’endormissement collectif. C’était bien un de ses rêves dans les années soixante, faire collaborer les artistes, les décloisonner, leur permettre de partager leur passion et apprendre les uns des autres mais non, rien à faire… Chacun aime à régner seul dans son royaume.
Non je ne peux pas demander aux gens de faire le bilan de leur vie… Mais je peux leur proposer, le temps d’une conversation, de réfléchir ensemble à la direction que prennent nos pas.
À la fin de son interview Claude m’a dit : « C’est le secret des individus de coïncider avec leur destin. »