Pour toi, mon amour, je voudrais avoir une longue, longue, longue, longue et large queue …. de pan. Ce soir Jacques chante en live dans ma radio. Il est bien là, non il n’est pas parti, c’était encore une de ses fantaisies. Il est en pleine forme dit Jean-Louis Foulquier. Qui lui non plus n’est pas parti. Pour toi, mon amour, je voudrais avoir, une longue, longue, longue, tige de nénuphar. Duo de scène avec la chanteuse Camille. La voix de Jacques poursuit : Magnifique, un oiseau de paradis, mon dieu la grâce, comme on en est loin parfois, et pourtant comme on en est près tous les jours… Maintenant il reprend sa guitare, c’est une chanson pour sa fille : je voulais lui écrire une chanson, j’ai commencé par lui écrire des conseils, mais qu’est-ce que je pouvais lui dire ? Surtout fais attention de ne pas prendre froid, quand tu traverses, le ghetto d’Aubervilliers, surtout en hiver, j’t’aime telle, j’t’aime telle que t’es… J’t’aime telle tellement tu vois, tellement tu vois que même, quand le destin m’entraîne si loin de toi, je suis toujours à toi, relié par les antennes de notre amour…
Des images me reviennent encore de toutes ces nuits de concerts où j’étais moi aussi, au milieu des autres, on se reconnaissait, on arrivait de partout et on allait voir Higelin, et c’était toujours la même fête, on en parlait des semaines à l’avance, nous étions des papillons attirés par un grand feu, nous sortions de notre nuit pour quelques heures étoilées. Nous n’étions pas ami, mais pourtant il était notre ami, et il était mon ami, aujourd’hui je peux bien dire çà. Car en fait exactement çà. Nous avons rencontré Jacques à l’âge délicat, on n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans, il nous a donné une direction, il nous a donné une mesure, à moi et à beaucoup d’autres, nous passions nos dimanches à fumer et à boire peut-être, mais en écoutant sa musique, en nous délectant de ses mots, de ses délires, L’ami qui soigne et guérit, la folie qui m’accompagne, et jamais ne m’a trahi… Il fut mon guide sous le ciel au moment où j’avais tant besoin d’un guide. Champagne…. Et si j’ai pu m’approcher de cette envie d’être père, moi qui en étais depuis toujours si éloigné… C’est parce qu’un jour j’ai entendu la ballade pour Izia et que j’ai trouvé la force d’y croire.
Inutile de ressasser. Mais Jacques, quand je t’ai vu si inanimé dans cette maison de retraite de Nogent sur Marne, j’ai tout de suite pensé que tu avais accompli tout ce qu’il accomplir et que c’était seulement à cela que je devais penser. En fait en te voyant comme ça, avec ta crinière blanche, hirsute, assis et perdu au milieu de toutes ces têtes aux cheveux blancs bien peignés qui ne te connaissaient probablement pas, j’ai pensé c’est vraiment ça l’enfer, mais j’avais tort car tu étais dans l’amour des tiens et moi j’avais seulement peur pour moi, égoïstement, parce que depuis toujours tu étais la preuve vivante de ma jeunesse et de mes révoltes, alors à te voir ainsi… arrêté. Pourquoi ne suis-je pas allé m’asseoir à côté d’Izia c’est bien cela que j’aurais aimé faire et passer ma main dans tes cheveux emmêlés. Au même moment ta fille m’a sourit.
Je suis mort, qui qui dit mieux ? Aujourd’hui nous étions tous au Père Lachaise. Les téléphones crépitaient et chacun y allait de sa petite vidéo, mon appareil photo est resté dans mon sac. Je l’ai pris tout de même avec moi mais je savais bien qu’il n’y avait pas de photo à faire. Arthur et Izia nous ont dit quelques mots, on ne pouvait vraiment pas mettre Jacques dans une église alors on l’a emmené au milieu du Cirque d’Hiver et on a joué de la musique et on a fait la fête avec lui … et puis nous avons chanté avec toi, il pleuvait sur Paris, il pleuvait dans nos têtes mais on s’en foutait, comme à chaque fois qu’on est venu te voir en concert.
Je vis pas ma vie, je la rêve
Le soleil se lève et moi aussi
C’est comme une maladie
Que j’aurais chopé quand j’étais tout petit