LAISSEZ AUX AUTRES.

« Zazen vous fait percevoir que vous n’êtes pas, vos pensées. Vous êtes présence. Vous êtes rayonnement. Vous êtes silence… » Fin d’après-midi à Paris. Les bruits de la cour se glissent par une fenêtre entrouverte. Des enfants chahutent quelque part et la voix d’Alexis se mélange à l’air chaud du zendo. « Laissez aux autres, qui vous entourent, leur place dans votre espace… »  

A ce moment, je pense « ah oui c‘est pour moi » bien évidemment. Mais je ne sais pas faire. Toujours les autres m’ennuient, je ne sais même pas si je les supporte immobiles et silencieux ainsi. Presque morts. « Laissez aux autres, qui vous entourent, leur place dans votre espace… » Saurais-je un jour faire un truc pareil ? Laissez les autres à leur place je sais faire, mais les laisser prendre place dans mon espace.  Plus facilement je restreins mon espace jusqu’à la taille d’une bulle et nul n’y entre. Zazen. Ce soir je suis soulagé, pas de gargouillis dans le ventre, pas de douleur au genou. Assis au bord du vide. Zazen. Et au milieu des images qui me traversent, le corps de Sachiko, la danse butô. 

Ensuite il y a le quartier des Halles, la lumière du soleil, la Fontaine des Innocents avec des couples enlacés, les clameurs de l’été. Des brumes de zazen finissent de se dissiper derrière mes yeux et je pense que s’il existe un point commun entre le zazen et la danse butô, c’est peut-être le vide. Que l’on nomme ainsi à défaut d’autre mot. Plus précisément, la séduction du vide. En même temps que l’épouvante à l’idée d’y plonger. Il semble que depuis quelques années, je m’arrange pour ne rencontrer que des gens qui côtoient avec acharnement leurs précipices intérieurs. Dans l’écriture, la musique, la peinture, la danse, la prière … Et dans quelques heures à peine je serais enfermé dans un avion qui caressera le vide en direction du Japon.

J’ai noté dans mon carnet un unique rendez-vous. Je l’ai voulu ainsi pour cette fois. Une seule rencontre, que j’espère véritable, dans un petit temple zen près de Tokyo. Une rencontre avec un moine qui sans me connaître, a gentiment accepté de m’accorder une interview. Je mesure ma chance. Mais pourtant, tout autour de moi, devant moi, dedans moi, envahissant tout de sa noirceur, le gouffre qui m’absorbe. Mais bien sûr, bien sûr,  je n’oublie pas que malgré tout, c’est au bord du vide que l’on peut danser…  

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