Zazen. Ce matin une tempête s’est levée à l’intérieur de mon crâne. J’entends même les mouettes dans le ciel de Paris. Et puis me reviennent les images de l’océan. Ma fille qui saute dans les vagues pour les empêcher d’atteindre son Mont Fuji de sable. Ouvrir les yeux. Regarder la toile usée des tatamis. Zazen. Pour quelques secondes de plus.
En retrouvant les rues parisiennes j’ai repensé à ce Mont Fuji de sable. Moi j’avais creusé un fossé devant pour que la mer y épuise ses assauts. Au bonheur de ma fille. Te dirais-je suffisamment à quel point tu m’ensoleilles ? Non, probablement que non. On en fait des efforts pourtant. Pour être meilleur, pour être solide, pour ne pas être oublié.
Et puis la mer arrive, sans violence aucune. Elle emporte toutes tes constructions et tu ne rigoles plus. Zazen. Je me suis allongé sur le sable et j’ai fermé les yeux. Un peu plus loin ma fille continuait ses sauts d’oiseau dans l’eau. À ce moment, il s’est passé quelque chose. Sans doute que le bruit des vagues sur le sable, les voix des gens mêlées au souffle du vent et l’odeur de l’été. À cet instant, il s’est approché de moi.
C’est l’enfant que j’étais, avant. Un enfant solitaire. Les après-midi sur la plage et la vie immobile auprès des parents. Je n’avais qu’une attente, que la journée se termine pour rentrer à la maison, retrouver mes livres et mes cahiers de dessins. Sauf qu’il me suffisait d’ouvrir les paupières pour apercevoir la petite dans les vagues, et me dire qu’aujourd’hui c’était bien moi le père. J’ai gardé les yeux clos jusqu’à imaginer plus nettement ce corps d’enfant que j’avais encore. Du sable entre les orteils.
Tout naturellement, mes parents se sont approchés aussi. Il se sont agenouillés près du corps d’enfant que j’étais, et puis, l’un après l’autre, ils ont fini par murmurer : Tu dois écrire, puisque c’est ça qui te plaît. Ils parlaient à ce corps d’enfant que j’étais encore. Ils lui donnaient enfin la bénédiction qu’il avait attendu si longtemps. Je ne dormais pas. Je ne rêvais pas. C’était autrement.
J’ai ouvert les yeux à la lumière d’une fin d’après-midi sur la plage d’Anglet, ma fille au loin semblait fixer l’horizon et la mer avait perdu de sa fougue.
Il est bon de regarder la toile usée des tatamis, il est bon aussi d’élever des monts Fuji de sable et de les rebâtir encore et encore.
Et un jour,
Comme si c’était la première fois,
Soudain on voit la mer.