Une nuit d’été à l’envers du monde
variations sur mon insomnie.
Mêlée au vacarme des grillons,
des voix d’hommes des voix de femmes
vieilles chansons enka.
La nuit fait résonner leurs rires,
bon dieu quelle heure est-il ?
Les vieux ne dorment jamais ici.
Le corps collé au matelas par la sueur,
dans mon lit étroit contre la fenêtre,
je guette les premiers rayons du soleil.
Le motard de trois heures revient
comme toutes les nuits,
avec sa pétrolette assassine.
C’est comme une grosse abeille qui butine devant les portes,
on l’entend arriver de loin,
il se rapproche,
il tournicote dans les rues,
et sans aucun scrupule
met un point final à tous les rêves du quartier.
Et pour livrer quoi ?
Personne ne boit de lait ici.
Soudain la voix d’une femme,
ailleurs,
et un peu plus effacée, celle d’un homme.
Exclamations aigues.
La femme se marre.
Trois heures trente, avec de l’aspirine, j’attends la promesse d’un peu d’air frais.
Encore les cris de la même femme.
A bien y écouter, elle ne rit pas mais elle gémit.
Cris de souffrance.
La voix de l’homme toujours lointaine.
Quatre heures enfin, le ciel est déjà bleu.
Qu’a t’elle découvert ?
Qu’a t’il avoué ?
Quatre heures et demie, les premières voitures, le premier souffle d’air au rideau qui bouge. Un coq s’éclaircit la voix quelque part dans les jardins des rues voisines.
Un homme éternue crache bruyamment.
Le coq se lance dans une nouvelle tentative de remettre le monde en marche.
L’air est devenu frais,
j’ai dû m’assoupir,
j’ouvre un œil il fait déjà chaud, le japon est en mouvement, le coq est content.
Maintenant les cris des collégiens avec leur entraineur sur le terrain de sport.
Matin sans force à l’envers du monde.
Visages arrachés à la nuit encore devant mes yeux…
Des filles dans les bars, des vidéos sur des écrans géants.
Je replonge dans le sommeil
pour retrouver les filles,
mais ma conscience sursaute,
la scène se fige, j’écarte le rideau.
Sur le terrain de sport devant l’école les joueurs sont immobiles.
Tout est devenu silencieux.
Mon lit bouge,
ma chambre bouge,
ma rue aussi…
Je suis debout au milieu de la chambre,
bien réveillé et l’échine tendue,
mais déjà à l’envers du monde,
un oiseau chante,
un joueur frappe une balle.