Zazen de l’aube. Embrumé. Une semaine à éternuer à renifler et des mouchoirs plein les poches, juste au cas où. Respirer par la bouche. Entrouvrir les lèvres à peine. Se redresser et refaire sa verticale comme on refait son lit. Se tenir à distance du sommeil. Une chasse d’eau cascade dans une tuyauterie au-dessus de nos têtes. Dehors la nuit et la pluie à Paris. La respiration buccale me sèche la gorge. Se redresser. Être là. J’ai pensé : quel bruit ça peut faire d’être là ?
ffffuuuucccchhhhhhhsssuuuiiiiiiiii le son qui vient de l’espace infini qui se répand dans les rues qui remplit le zendo qui finit par s’infiltrer entre mes oreilles, plus le bruit de la chasse d’eau, plus les autres bruits de la ville derrière les vitres, plus tous les bruits de ceux qui sont assis autour de moi. C’est ça être là.
Il n’y aurait donc qu’une légère différence entre le zazen et la vie normale, le ffffuuuucccchhhhhhhsssuuuiiiiiiiii que l’on gagne à méditer. La goutte grossit au fond de la narine et je ne pourrais pas inverser sa trajectoire. Je dois me faire à cette idée. Je m’affaisse, la verticale s’abandonne, ne pas renifler, pas ici. Laisser couler. Quoiqu’il arrive laisser passer. Refaire sa verticale encore une fois. Être là. Ne plus penser au ffffuuuucccchhhhhhhsssuuuiiiiiiiii. Pour une fois ne plus penser. Je ne pense plus. Menteur. Menteur. Menteur.
Je soulève les paupières, je ne suis pas seul, j’aperçois quelques morceaux de corps, des jambes et des mains sages. Verticale glissante. Qui me pend au nez. Soudain le son du bol et le salé de la goutte sur le bout de ma langue.
Zazen.