Yumiko Arimoto

 

Ogikubo 2009. Nous sommes dans un pub douillet comme un nid d’oiseaux. Ce soir des airs de tango invitent la lumière des bougies à danser sur les tables de bois. Je suis venu pour rencontrer Yumiko Arimoto, une jeune femme qui s’applique à broder sa vie avec des fils de couleurs. 

 

Daniel : Yumiko-san, vous êtes originaire de Nara et depuis environ un an vous vivez à Tokyo. Quelles études avez-vous fait ?

Yumiko : J’ai étudié les arts plastiques et aussi la mode.

 

D : C’est à la fin de vos études que vous avez décidé de venir vivre à Tokyo ?

Y : Pendant mes études, j’ai pris contact avec mon créateur de mode préféré à Tokyo, pour venir travailler avec lui en qualité d’assistante.

 

D : Si nous remontons encore un peu plus dans le temps, y a t’il eu un moment précis de votre vie qui vous a décidé à suivre un parcours artistique ? Pourquoi n’avez-vous pas voulu d’une vie plus « ordinaire » ?

Y :  Je crois que mon envie de suivre une voie artistique s’est révélée alors que je n’étais encore qu’une écolière. Bien évidemment je ne savais pas encore ce que je voulais faire.  Après le lycée j’ai vraiment choisi d’étudier le design et les arts plastiques, malgré l’avis de mes parents qui auraient préféré que je choisisse une voie plus « stable ».

 

D : Avez-vous été effrayée à l’idée de mener une vie ordinaire ?

Y : Non, je ne pouvais pas imaginer autre chose qu’une vie artistique.

 

D : Avant de vous exprimer avec la broderie, avez-vous essayé d’autres formes d’art ?

Y : Oui, j’ai dessiné du manga et j’ai également fait de la création de vêtements.

 

 

D : Qu’est-ce qui vous plaît autant dans l’action de broder ? Dans quel état d’esprit êtes-vous pendant que vous brodez ?

Y :  C’est une bonne question. Quand je brode, il y a bien évidemment le résultat auquel je m’attache, mais avant tout il y a le processus même de la broderie, l’action de broder me plaît.

 

D : Je sais que vous brodez souvent dans ce lieu, je vous ai observé en train de broder, assise au comptoir de ce pub, est-ce très important pour vous d’être entouré d’autres gens lorsque vous travaillez à vos broderies ?

Y : Travailler seule chez moi ne me dérange pas, mais un jour je me suis rendu compte que j’aime travailler dans ce lieu qui m’est agréable, au milieu de gens inconnus. Et travailler ainsi au milieu des autres, m’a fait prendre conscience que mon oeuvre ne se limite pas à l’ouvrage achevé, à la broderie que les gens peuvent toucher, l’action même de broder est mon œuvre.

 

D : Peut-on dire que lorsque vous brodez dans un lieu comme celui-ci, entourée de gens qui discutent, d’autres qui passent, leurs énergies participent au résultat final de votre travail ?

Y :  Certaines personnes peuvent influencer mon travail et d’autres pas. Pour moi ce qui est important, c’est vraiment d’être au milieu des gens, de pouvoir échanger quelques mots avec des inconnus, cela peut m’inspirer pour une prochaine broderie.

 

D :  Ce que je ressens c’est  que la broderie vous permet effectivement d’aller à la rencontre des autres. Pensez-vous qu’un artiste, pour pouvoir se sentir bien au milieu des autres, doit se confectionner une bulle, un petit univers mental, et toujours se déplacer en demeurant à l’intérieur de sa bulle pour aller à la rencontre des autres ?

Y : Il m’est difficile de définir ce qu’est un artiste. Mais je pense qu’il créé en effet son propre univers. 

 

  

 

D : J’aimerais explorer cette question un peu plus. L’artiste est quelqu’un qui créé son propre univers… Ne pourrait-on pas suggérer aussi que l’artiste possède au fond de lui tout un flot de pensées, d’images, de sensations, qui exigent de lui qu’il les fasse « sortir », qu’il les exprime à travers sa pratique. Nous pourrions ainsi dire que c’est l’univers qu’il possède au fond de son cerveau qui donne naissance à l’artiste, qui lui donne son identité d’artiste.

 

Y : Je pense qu’à l’origine, l’artiste est habité par un univers artistique « incomplet », c’est à dire que le contact avec les autres, le contact avec la vie tout simplement, va nourrir, transformer et faire évoluer cet univers artistique. L’art est le résultat de beaucoup d’influences. Il n’existe pas dès l’origine, de façon complète. Il y a sûrement un univers qui me correspond depuis longtemps mais je l’imagine plutôt comme un monde informe qui va se laisser perturber et se laisser façonner, au contact de diverses influences.

 

D : Pensez-vous que chaque personne sur terre, porte au fond d’elle un rêve qu’elle se doit de réaliser ?

Y : Oui je le pense.

 

D : Est-ce que tout le monde pourra réaliser son rêve ?

Y : Oui.

 

D : Pour vous, existe t’il une différence entre le rêve et les désirs ?

Y : Ce n’est pas pareil bien sûr, mais ils se ressemblent !

 

D : Comment peut-on faire la différence ?

Y : Les désirs sont à la base du rêve, ils sont à l’origine du rêve.

 

D : Les désirs seraient une sorte de nourriture pour le rêve ?

Y : C’est cela.

 

 

D : A quel moment peut-on perdre le chemin de notre rêve ?

Y : A partir du moment où nous nous imposons à nous-même des limites.

 

D : Pour vous, quelle est la définition d’un être humain vivant ?

Y : Un être humain vivant …. Un être humain vivant …. (rires)

 

D : Dans les rues, y a t’il beaucoup de gens vivants ?

Y : Oui, il y a beaucoup de gens vivants, il y a des gens qui sont amoureux !

 

D : Amoureux ? Mais alors nous rejoignons le monde des désirs qui nous enchaînent et nous imposent leur limite !

Y : Oui c’est vrai que les passions ne nous laissent pas en paix, mais c’est cela qui est vivant ! Lorsque je dis « être amoureux », ce n’est pas forcément entre hommes et femmes, cela peut-être avec une activité artistique, il s’agit d’être amoureux au sens le plus large.

 

D : Donc si je vous comprend bien, il s’agit d’éprouver des sentiments ! Donc tout le monde, au moins à un certain moment de sa vie, peut être vivant. L’artiste n’est pas plus vivant que les autres…

Y : Oui tout à fait. Les artistes ne sont pas plus vivants que les autres gens.

 

D : Si dans votre entourage, un de vos amis avait une vie ordinaire, monotone, un peu triste, et si vous pouviez lui donner un conseil, un seul et unique conseil pour améliorer sa vie, quel serait-il ?

Y : Il me serait difficile de conseiller quelqu’un même si je me rends compte que la vie de cette personne n’est pas très intéressante, je n’oserais pas la conseiller. Si je suis vraiment obliger de dire quelque chose alors je lui suggérerais de vivre avec plus de passion et d’amour. Je n’aime pas imposer mes idées.

 

D : Mais si quelqu’un vous demandait vraiment un conseil ?

Y : (rires) Je lui dirais qu’il lui faut tout d’abord chercher par lui-même pourquoi il est triste !  Ce serait mon conseil.

 

 

荻窪にあるROKUJIGEN(6次元)というカフェギャラリーは、まるで鳥の巣のように居心地がいい。今夜はタンゴのメロディーが流れ、それに乗ってろうそくの光が木目テーブルの上で踊っている。 そして、色とりどりの糸で人生をつむぐことに情熱をささげているマドモアゼル、有本優美子さんに出会った。

 

ダニエル(以下D):優美子さんは、奈良出身で、約1年前から東京で暮らしているんですね。何の勉強をされたのですか。

優美子(以下Y):造形芸術とファッションの勉強をしました。

 

Daniel:卒業してから、東京で暮らそうと決心したのですか。

Yumiko:在学中に、私の大好きなファッションクリエーターと連絡を取りました。東京へ行くために、彼のアシスタントとして働くために。

 

Daniel:時間を少しさかのぼってみて、人生において、あなたがアーティストとして歩もうと決心したのはこの時というものがありますか。なぜもっと「普通」の人生を歩もうと思わなかったのでしょうか。

Yumiko:アーティストとして生きたいという気持ちは、まだ小学生にもなってない頃には目覚めていたと思います。もちろん何をしたいのかはわかっていませんでした。高校卒業後、デッサンと造形美術を勉強するという選択をしました。両親は、私にもっと「安定した」道を選んでほしかったようですが。

 

 

Daniel:普通の人生をおくりたくはなかったのですか。

Yumiko:いいえ、ただアーティストとしての人生以外、想像できなかったのです。

 

Daniel:刺繍をもって自己表現をする以前、ほかの方法を試してみましたか。

Yumiko:はい、マンガを描いたり、洋服を作ったりもしました。

 

Daniel:刺繍という行為における何が好きですか。刺繍をしている間はどんな精神状態なのでしょうか。

Yumiko:いい質問ですね。刺繍をすると、もちろん私が打ち込んだ成果が残ります。でも、何よりもまず、私は、刺繍そのものの過程、刺繍するという行為が好きなのです。

 

Daniel:あなたは、よくここで刺繍をしていますね。このカフェのカウンターに座って刺繍をしていましたね。あなたにとって、刺繍をする時、他人に囲まれていることがとても重要なのでしょうか。

Yumiko:自宅にこもって仕事をしていてもいいんです。でも、ある日、私気付いたんです。お気に入りのこの場所で、見知らぬ人たちの中で刺繍することが好きなのだということに。つまり、他人に囲まれて刺繍することによって、私の作品は仕上がったものや形になったものだけではないのだと自覚したのです!刺繍という行為自体が私の作品なのだと・・・

 

Daniel:ここのような場所で、ざわめき行きかう人たちに取り囲まれて刺繍をすると、彼らのエネルギーがあなたの仕事に影響を及ぼすのでしょうか。

Yumiko:影響を及ぼす人もいれば、そうでない人もいます。私にとって大事なことは、まさに人々の中にいること、見知らぬ人たちと二言三言、言葉を交わせることなのです。それが次の刺繍のインスピレーションとなり得るのです。

 

Daniel:刺繍のおかげで、あなたは他人と出会うことができるのだと私は感じます。

他人に囲まれていても心地よく感じるためには、アーティストは、風船を、小さな精神世界を作り出さないといけない、そして他人と出会うためには、その風船の中にとどまりながらいつも移動しないといけないのでしょうか。

Yumiko:アーティストというものを定義するのは難しいです。でも、アーティストは、確かに自分自身の世界というものを作り出すのだと思います。

 

 

Daniel:もう少しこの質問を掘り下げたいと思います。アーティストとは自分の世界を作り出す人・・・ 彼が、あふれるほどの思考・想像・感覚を秘めていることは、私たちには表面上はわからないかもしれない。そして、彼がそれらを「表現」しようともがいていることや、彼なりの方法でそれらを表現していることにも気付かないかもしれない。つまり、彼の奥底に秘められている世界こそが、彼というアーティストを生み出し、また彼にアーティストというアイデンティティを与えるのではないでしょうか。

Yumiko:そもそもアーティストは、アーティスティックな「不完全な」世界に囲まれているのだと思います。つまり、他人と接触すること、簡単に言うと人生に触れることは、そのアーティスティックな世界に糧を与え、変化させ、上昇させてくれるのです。アートとは、様々な影響を受けてできあがるものです。初めから完璧なアートなんて存在しません。もちろんしばらく前から私にもそういう世界がありますが、それは、様々な影響を受けて、変調するがままに形を成すがままにさせている、まとまっていない世界だと思っています!

 

Daniel:人にはそれぞれ、実現すべき夢があると思いますか。

Yumiko:はい、そう思います。

 

Daniel:だれもがその夢を実現できるでしょうか。

Yumiko:はい。

 

Daniel:あなたにとって、夢と欲望は異なるものですか。

Yumiko:もちろん同じものではありません、似てはいますけど。

 

Daniel:どのように区別できますか。

Yumiko:欲望は夢が土台である、もともとは夢なのです。

 

Daniel:欲望は、夢への糧的なものだと。

Yumiko:ええ。

 

Daniel:どんな時、夢への道を失ってしまうのでしょうか。

Yumiko:自分自身で限界を引いてしまった時からです。

 

Daniel:生き生きしている人間というものをどう定義しますか。

Yumiko:生き生きとしている人間・・・生き生きとしている人間・・・(笑)

 

Daniel:街中には、生き生きとしている人がたくさんいると思いますか。

Yumiko:ええ、たくさんいます。恋している人たちが!

 

Daniel:恋してる? でもそうすると、欲望の世界に私たちは縛り付けられ、その境界を強いられてしまうことになる!

Yumiko:ええ、情熱は私たちをそっとしておいてはくれません。でも、それが生きているということなんです。私の言う「恋している」とは、必ずしも男女間のことに限りません。アーティスティックな活動に恋するかもしれません。もっと幅広い感覚において恋することが大切なのです。

 

Daniel:つまり、感覚をみがくことが重要なのですね! みんな、一生のうち少なくとも一度は、生き生きとしていることができる。アーティストがほかの人たちより生き生きとしているわけではないと。

Yumiko:その通りです。アーティストがほかの人たちより生き生きしているわけではないのです。

 

Daniel:もしあなたの周りに、普通の単調で少々憂鬱な人生を送っている友達がいて、その人に人生をよりよくするためにひとつだけアドバイスするとしたら、どうしますか。

Yumiko:誰かにアドバイスするのは、私には難しいですね。たとえもしその人の人生があまり面白みのないものであると気付いても、あえてアドバイスしようとは思いません。もし、どうしても何か言わないといけないとしたら、そうですね、もっと情熱や愛情を持って生きるよう提案するでしょう。私の考えを押し付けたくはないんです。

 

Daniel:どうしてもアドバイスしてほしいと頼まれたら?

Yumiko:(笑)まずは、どうして悲しいのかその理由を自分自身で探さないといけないと言うでしょう!それが私のアドバイスです。

Le site internet de SINA SUIEN

 

Cette interview a été réalisée le 15/09/2009 à Tokyo, Ogikubo.

Un grand Merci au PUB ROKUJIGEN qui nous a reçu avec beaucoup de gentillesse.

Traduction française pendant l’entretien : MmeOKADA Yoshiko

Traduction japonaise texte final : Mme SHIMONAGANO Shiho

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