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Ce soir je remarque ce livre sur les étagères de ma bibliothèque. Avec plaisir et tendresse je retrouve cet ami un peu oublié depuis une trentaine d’années. Je l’avais acheté au début des années 90 et je me souviens même du lieu, le merveilleux restaurant/librairie Le bol en bois qui était situé dans la rue Pascal à Paris, aux pieds de la rue Mouffetard. Ceux qui comme moi ont connu Le bol en bois ne l’oublieront jamais. Il y avait aussi sur le trottoir d’en face l’épicerie du bol en bois.
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Nous y venions pour acheter des céréales et des légumes biologiques, nous y venions pour la soupe miso et les bols de céréales complètes, le thé vert sencha ou kukicha, l’ambiance y était douce, presque solennelle. À côté de la caisse il y avait un rayon librairie, on y trouvait des bouquins sur le bouddhisme, la spiritualité, des essais, des témoignages, des revues d’informations sur la communauté macrobiotique. On y écoutait aussi de la musique, le plus souvent des œuvres classiques ou baroques.
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C’est une époque révolue. Les restaurants macrobiotiques de Paris ont presque tous disparus. Je me souviens (à la manière de Georges Perec) de la Petite légume dans le cinquième, du Grand Appétit à Bastille, de la Fermette d’Olivier rue du Faubourg Montmartre, du Guen Maï, des Cinq saveurs et d’autres encore dont j’ai oublié les noms avec les années, mais pour moi et mes amis, Le bol en bois était au-dessus de la mêlée. Ses cuisiniers étaient des initiateurs. Il m’est arrivé d’y suivre des leçons pour apprendre à préparer le riz. À cette époque je pratiquais assidûment la cuisine macrobiotique et tout cela était en accord avec mon étude du mouvement dans les arts martiaux et ma découverte de la culture japonaise.
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La leçon la plus importante que je conserve de cette époque est ma prise de conscience qu’en toute chose il importe de faire sans cesse retour à la base. La base de l’alimentation (la composition de notre assiette) et la base du mouvement (la posture immobile en apparence). J’ai donc passé toutes ces années à réfléchir, à m’exercer, à recevoir des enseignements de différents professeurs. Abandonnant complètement l’envie de progresser, d’en savoir plus, l’accumulation d’informations. La base contient en elle toute chose, elle est suffisante, nourricière, nous n’avons besoin de rien de plus. En ce qui concerne l’alimentation, ma base est la céréale complète, le riz principalement (avec un minimum de cinquante pour cent, ensuite j’ai besoin de vingt-cinq pour cent de légumes et légumineuses, et pour le reste des produits laitiers et des fruits (du poisson parfois mais très rarement), pour ce qui est de l’entretien physique, ma base est le souffle et l’intention pour remplir la posture, avant même d’envisager l’exercice ou le mouvement. De toute façon, le mouvement est permanent, nous n’avons pas besoin de nous inventer des mouvements, tout bouge déjà en nous.
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J’avais donc acheté ce livre, qui n’est pas un traité de macrobiotique, mais a néanmoins rejoint cette mouvance du fait de son contenu bien inspiré.
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(Extrait)
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Dans le monde existent quatre types principaux d’alimentation.
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1 Une alimentation laxiste se conformant aux désirs habituels et aux préférences gustatives. Les gens qui suivant cette alimentation oscillent sans règle en réponse aux caprices et aux fantaisies. Cette alimentation pourrait être dite facile et vide.
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2 Le régime alimentaire standard de la plupart des gens, procédant de conclusions biologiques. Il consiste à manger des aliments nourrissants dans le but de maintenir la vie du corps. Il pourrait être appelé matérialiste et scientifique.
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3 L’alimentation ayant pour base des principes spirituels et une philosophie idéaliste. Limitant les aliments, visant la concentration, la plupart des alimentations « naturelles » tombant dans cette catégorie. Celle-ci pourrait s’appeler l’alimentation de principe.
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4 L’alimentation naturelle, suivant la volonté du ciel. Ecartant toute science humaine, cette alimentation pourrait être appelée l’alimentation de la non-discrimination.
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Les gens commencent par abandonner l’alimentation vide et facile, source de maladies innombrables. Puis, désenchantés par l’alimentation scientifique, qui cherche seulement à maintenir la vie biologique, beaucoup passent à une alimentation de principe. Finalement, en la dépassant, on arrive à l’alimentation non-discriminante de la personne naturelle.
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L’alimentation de non-discrimination
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La vie humaine n’est pas entretenue par son propre pouvoir. La nature donne naissance aux être humains et les maintient en vie. C’est la relation dans laquelle les gens sont solidaires de la nature. La nourriture est un don du ciel. Les gens ne créent pas d’aliments à partir de la nature ; le ciel les leur donne.
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La nourriture est nourriture et la nourriture n’est pas nourriture. Elle est une part de l’homme et est à part de l’homme.
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Quand la nourriture, le corps, le cœur et l’esprit s’unissent parfaitement dans la nature, une alimentation naturelle devient possible. Le corps tel qu’il est, suivant son propre instinct, mangeant si quelque chose a bon goût, s’abstenant dans le cas contraire, est libre.
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Il est impossible de prescrire les règles et les propositions d’une alimentation naturelle. Cette alimentation se définit d’elle-même selon l’environnement local, les différents besoins et la construction corporelle de chaque personne.
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La révolution d’un seul brin de paille (Shizen noho wara ippon no kakumei) de Masanobu Fukuoka 福岡 正信 a été publié au Japon en 1975, ensuite il a transité par les Etats-Unis en 1978, avant d’arriver en France en 1983.
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(Extrait)
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Qui est stupide ?
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On dit qu’il n’y a pas de créature plus sage que l’être humain. En appliquant cette sagesse, les gens sont devenus les seuls animaux capables de guerre nucléaire.
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L’autre jour, le directeur du magasin d’alimentation naturelle qui se trouve devant la gare d’Osaka grimpa sur la montagne, emmenant avec lui sept compagnons, comme les sept dieux de la bonne fortune. À midi, pendant que nous festoyions autour d’un hochepot de riz complet improvisé, l’un deux raconta ce qui suit : « Parmi les enfants il y en a toujours un sans souci au monde qui rit joyeusement lorsqu’il pisse, il y en a un autre qui finit toujours par faire le « cheval », quand ils jouent « au cheval et au cavalier », et un troisième habile à carotter le goûter des autres. Avant de choisir le chef de la classe, le maître parle sérieusement des qualités requises pour un bon leader et de l’importance de prendre une sage décision. Quand l’élection a lieu, c’est le gamin qui rit joyeusement sur le bord de la route qui est choisi. »
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Chacun s’amusait mais je ne pouvais pas comprendre pourquoi ils riaient. Je pensais que c’était tout simplement naturel.
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Si l’on voit les choses en termes de gain et de perte, on doit regarder comme étant le perdant l’enfant qui finit toujours par jouer le rôle du cheval, mais grandeur et médiocrité ne s’appliquent pas aux enfants. le maître pensait que l’enfant intelligent était le plus éminent, mais les autres enfants le voyaient comme étant intelligent dans le mauvais sens, quelqu’un qui veut opprimer les autres. Penser que celui qui est malin et est capable de s’occuper de lui est hors de l’ordinaire, et qu’il vaut mieux être hors de l’ordinaire, c’est suivre des valeurs « adultes ». Celui qui s’occupe de ses affaires, mange et dort bien, celui qui ne s’inquiète de rien, me semblerait être celui qui vit de la manière la plus satisfaisante. Il n’y a personne d’aussi grand que celui qui n’essaye pas d’accomplir quelque chose.
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