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Je voulais écrire un truc du genre « mon poids sur la Terre ». Il y a des jours où l’on se sent plume, malmené, soulevé à la moindre rafale. Des jours fragiles et énervés où on ne pèse rien et où la vie pèse des tonnes. Et puis d’autres jours, allez savoir pourquoi, on se déplace aisément avec le sentiment de marcher profondément dans le sol. Des jours de plombs en quelque sorte.
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Un de mes professeurs disait que les humains ne peuvent être véritablement égaux qu’au centre de la Terre, là où se rejoignent les poids des corps de chaque homme et de chaque femme vivant à la surface. Peu importe qui ils sont, peu importe où ils vivent, leurs poids se rencontrent exactement au centre de la Terre. En un point minuscule. Une tête d’épingle. Et même encore moins que ça. Jusqu’à ne faire qu’un. Un rien.
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Aujourd’hui c’était un jour de plume et la vie pesait sur nous de tout son poids. Le seul moment léger de la journée fut le début de soirée lorsque la nuit s’est enfin décidée à recouvrir nos mines renfrognées de trop de télé. Je suis sorti avec toi pour aller acheter une pizza. On s’est habillés de plusieurs épaisseurs de vêtements et ta main minuscule dans ma main, nous avons progressé très lentement dans les rues mal éclairées. Je n’étais pas pressé. Tu prenais un plaisir évident à faire de grande enjambées sur le trottoir, ton corps était joyeux d’être enfin en mouvement. Avec nos différences de tailles, je me tenais tordu sur ta gauche, j’avais mal dans le dos, il faisait un froid polaire et on avançait à peine plus vite que deux escargots se rendant à la naissance d’une pizza au thon… Mais à ce moment-là, juste à ce moment-là, j’ai réellement senti mon poids sur la Terre.
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