Choje Lama Ani Pema (french/english version)

Lama Pema est une de ces personnes habitées par un souffle d’absolu, en sa présence on ne saurait en douter, d’ailleurs ce n’est pas le doute qui l’anime, elle agit et elle n’est qu’action, pour suivre son chemin si particulier. Avec beaucoup de gentillesse elle a bien voulu répondre à quelques questions alors qu’elle ne parle que vraiment très rarement de tout cela. J’en profite pour attirer l’attention sur son incroyable travail de bâtisseuse, d’ailleurs ses séjours en Europe n’ont souvent d’autre objectif que de sensibiliser le public pour financer ses divers projets de construction, le site officiel qui lui est dédié explique tout cela en détail et nous permet de comprendre avec beaucoup de photos l’ampleur de sa mission.

Daniel : Grâce au site web qui vous est consacré j’ai pu comprendre que c’est à l’âge de cinq ans que vous avez commencé à étudier le bouddhisme.  Vous souvenez-vous de vos premières peurs lorsque vous avez senti que vos parents vous imposaient de suivre ce chemin ?

Pema : En fait mes parents ne voulaient pas. C’est moi qui ai voulu suivre la voie du Dharma. 

Daniel : Vraiment ? Et vos parents, quel projet d’avenir nourrissaient-ils pour vous ? 

Pema : Mes parents étaient des fermiers, ils possédaient une maison avec des terres et des animaux de ferme. Nous avions tout ce qui nous était nécessaire pour vivre. Notre vie était simple, il y avait deux saisons, l’été et l’hiver. L’été tout le monde travaillait pour cultiver la terre et récolter, ensuite pendant les six mois d’hiver tout le monde, y compris les animaux, restait enfermé à l’intérieur de la maison. Dans mon souvenir la période hivernale était joyeuse. Toute la famille était regroupée dans la chaleur de la maison et c’était une vie heureuse.

Daniel : Mais alors, quel a été pour vous le déclic qui vous a poussé à choisir ce chemin vers le monastère et l’étude du Dharma ?

Pema : Le monastère est ma vie. Lorsqu’on est nonne ou moine, on le demeure pour toute la vie, pour les autres gens la vie est souvent tributaire d’une certaine instabilité, ils peuvent être amenés à changer de métier, de partenaire… Moi j’avais vraiment  besoin de cette vie stable.

Daniel : Pourquoi ne pas avoir choisi la même existence que vos parents ? 

Pema :  En fait vous savez, tout le monde autour de moi était bouddhiste. Mes parents aussi pratiquaient le bouddhisme. La seule différence ce sont les vêtements que je porte ! Et aussi les vœux. Les laïcs ne prononcent pas de vœux.

Daniel :  C’est quelque chose qui vous est venu naturellement de prononcer les vœux ?

Pema : Bien évidemment à l’âge de cinq ans on ne peut pas parler de vœux. J’ai prononcé mes véritables vœux lorsque j’avais vingt ans.

Daniel : Mais tout de même dès l’âge de cinq ans vous aviez ce désir d’étudier le bouddhisme ?

Pema : Oui, à cinq ans j’étais déjà attirée par la vie au monastère, de même je savais au fond de moi que je ne désirais pas suivre le parcours d’une vie normale, par exemple être liée à un homme.

Daniel : Vous saviez donc très tôt que vous ne seriez jamais séduite par une vie laïque.

Je sais que vous êtes engagée, et depuis fort longtemps déjà, dans de grands projets de construction d’écoles, de temples. J’imagine que pour mener à terme de tels projets il vous faut une énergie hors du commun, pour trouver des financements, pour coordonner les travaux, pour défendre ces projets, mais d’où vous vient cette formidable énergie ?

Pema :  Toute l’énergie dont j’ai besoin me vient de Bouddha et de Karmapa.

Daniel :  Malgré tout, puis-je vous demander si vous connaissez des moments de grand découragement, des moments difficiles ?

Pema : Non absolument pas. Les gens sont adorables et tout le monde vient apporter son aide aux projets.

Daniel : Les portes s’ouvrent et les cœurs aussi. Et parmi tous ces gens que vous rencontrez de par le monde, ces gens qui vous aident ou qui vous écoutent tout simplement, avez-vous observé un point commun qui les rassemble ?

Pema : A chaque nouvelle rencontre je constate la même ouverture de cœur. Je pense que c’est le point commun le plus évident entre tous ces gens qui viennent vers moi.

Daniel : Cette ouverture m’intéresse… Qu’y-a-t-il derrière cette ouverture ?  Est-ce seulement la relation entre vous et les autres qui crée cette ouverture, ou bien indépendamment de votre présence, pensez-vous que les gens manifestent naturellement cette ouverture ?

Pema : Si nous pouvons nous ouvrir c’est grâce à la bénédiction du Bouddha et du Karmapa. Nous recevons leur aide. Au cours de nos premières vies, nous donnons et ensuite dans les vies suivantes nous recevons, Nous donnons puis nous recevons.

Daniel : Lorsque les gens viennent vous parler, y a-t-il une question qui revient le plus souvent ?

Pema : Non il n’y a pas de question.

(Eric intervient pour m’apporter une précision)

Eric : En fait lorsque les gens viennent vers elle, il n’y a pas vraiment de discours. Elle leur donne la bénédiction qu’elle a reçue. Elle transmet ce qu’elle a reçu.

Daniel : Ce n’est pas une relation très intellectualisée.

Eric : Non au contraire ! C’est direct, cela ne passe pas par les mots. Mais plutôt par ce qui est derrière les mots.

Daniel : J’aimerais savoir si vous pensez que chaque personne a quelque chose de personnel à réaliser dans cette existence ? Avons-nous tous un objectif à réaliser le temps de notre vie ?

Pema :  Oui, oui. Nous avons un objectif principal à réaliser. Par exemple, la raison pour laquelle nous sommes réunis ici et maintenant, c’est parce que nous avons créé les conditions de notre rencontre dans nos vies antérieures. Cela peut s’être produit il y a fort longtemps. Nous nous connaissons depuis très longtemps, c’est pour cela que nous pouvons nous rencontrer aujourd’hui. Autrement on ne se rencontrerait pas.

Ainsi toutes nos actions d’aujourd’hui porteront leur fruit plus tard. Si nos actions sont bonnes alors nous aurons de bons fruits dans le futur. 

Daniel : Mais pensez-vous que nous soyons les héritiers des histoires de nos ancêtres, c’est à dire, sommes-nous obligés de continuer ce qu’ils ont commencé ?

Pema : Oui je pense que cela est possible également.

Daniel : La méditation peut-elle nous aider pour comprendre quel est notre chemin dans la vie ?

Pema nous montre alors comment elle médite. Nous sommes tous assis sur des chaises, autour d’une table. Pendant une ou deux minutes, Pema, sur sa chaise, entre dans une profonde méditation, nous l’observons en silence. Nous regardons et nous sentons la densité de l’air qui l’entoure.

Eric : Pema nous a montré comment elle médite. Dans un premier temps elle a pris refuge. Cela veut dire qu’elle s’est reliée au courant d’amour et de sagesse infini des Bouddhas… Pour comprendre il faut bien visualiser un courant, c’est à dire une énergie qui s’écoule, quelque chose de vivant. Un courant nourri de souhaits positifs et purs, provenant d’êtres presque comme vous et moi sauf qu’ils ont atteints l’état de Bouddha (ou de Boddhisatva comme Karmapa, Sharmapa). Ces êtres qu’elle rencontre, avec lesquels elle vit, ont une influence et un rayonnement  extraordinaire. Ils appartiennent à un courant hors du temps et hors de l’espace. Il y a des milliards d’être comme eux. Ces êtres là ont des souhaits positifs. Pour commencer elle s’est connectée à eux. D’où cette formule je prends refuge.

La méditation c’est cela pour elle. Se connecter avec son courant de conscience et se connecter aussi avec tous ces êtres. Elle a préparé son corps (position physique de méditation qui permet d’apaiser notre état émotionnel et de clarifier notre esprit). Une fois posée, elle a observé son esprit. Ensuite elle a dédié le fruit de cette action (méditation) au bonheur de tous les êtres.

Se poser, se recentrer puis observer la réalité de son esprit. Ainsi Pema a créé un karma positif qui pourra lui apporter du bonheur dans le futur. Mais elle nous a dit ensuite : Ce bonheur moi je n’en veux pas et je l’offre à tous les êtres.

Daniel : C’est difficile à comprendre.

Eric : Elle souhaite que tous les êtres soient libérés de la souffrance. Elle ne veut pas garder ce karma positif pour son propre bonheur. Alors elle l’offre pour que tous les êtres sortent de l’état de souffrance.

Pema : Le Dharma ce n’est pas une pratique  intellectuelle. Il ne s’agit pas de lire ou de réfléchir sur ce qu’est le Dharma. Le Dharma c’est avant tout notre quotidien lorsque nous avons une vie positive et que nous sommes attentifs à rendre les autres heureux. Il ne s’agit pas seulement d’étudier, cela ne suffit pas.

Daniel : Merci beaucoup. 

UN ENTRETIEN réalisé par daNIel le 06.09.2017 à PARIS dans le quartier de Belleville. Avec la collaboration de ERIC ROBBIOLA.

Remerciements : Merci à Viviane et à Eric pour leur collaboration. Merci à Katya pour son autorisation à publier les photos.

Crédit photos : Avec l’autorisation du site officiel de Pema : http://lamapema.org/

Interprétation anglaise au cours de l’entretien : Eric ROBBIOLA.

 

THE INTERVIEW OF ANI PEMA ZANGMO WAS REALIZED BY daNIel ON 06/09/2017 IN PARIS IN THE BELLEVILLE DISTRICT, WITH THE COLLABORATION OF ERIC ROBBIOLA.

Daniel : Through the website dedicated to you, I know  that you were 5 years old when you started to study Buddhism. Do you remember your first fears when you felt that your parents forced you to follow this path?

Pema : But my parents did not want me to become a nun. I wanted to follow the path of Dharma.

Daniel : Really? What did your parents plan for your future ?

Pema : My parents were farmers, they owned a house with land and farm animals. We had everything we needed to live. Our life was simple, there were two seasons, summer and winter. In the summertime everyone was working to cultivate the land and harvest, then during the six winter months everyone, including the animals, remained locked inside the house. In my memory the winter period was happy. The whole family was gathered in the warmth of the house and it was a happy life.

Daniel : But then, what was the trigger for you to choose this path to the monastery and the study of the Dharma?

Pema : The monastery is my life. When one is a nun or a monk, one remains it for all the life, for the other people the life can be much more unstable, they need sometimes to change job, partner … Personally I needed stability in my life.

Daniel : Why not have chosen the same existence as your parents?

Pema : Actually you know, everybody around me was Buddhist. My parents also practiced Buddhism. The only difference is the clothes I wear ! And also the vows lay people do not pronounce vows.

Daniel : Is it something that came naturally to you to pronounce the vows?

Pema : Of course at five years old you cannot know what are the vows. I made my full vows when I was twenty.

Daniel : But really since the age of five you had a desire to study Buddhism?

Pema : Yes, at five I was already attracted by life at the monastery, so I knew deep inside me that I did not want to follow the path of a normal life, for example being tied to a man.

Daniel : So you knew very early that you would never be seduced by a secular life.

I know that you are engaged, and for a long time already, in several projects of construction of schools, temples. I imagine that in order to complete such projects you need an incredible energy, for fund raising, to coordinate the work, to defend these projects, but where does this tremendous energy come from?

Pema : All the energy I need comes from Buddha and Karmapa.

Daniel : Despite everything, do you know moments of great discouragement, difficult moments ?

Pema : No, absolutely not. People are adorable and everyone comes to help projects.

Daniel : The doors open and the hearts too. And of all the people you meet around the world, those people who help you or just listen to you, have you noticed something common between all these people ?

Pema : At each new encounter I see the same heart opening. I think this is the most obvious thing in common between all those people who come to me.

Daniel : This opening interests me … What is behind this opening? Is it only the relationship between you and others that creates this openness, or regardless of your presence, do you think that people naturally manifest this openness?

Pema : If we can open it is thanks to the blessing of Buddha and Karmapa. We receive their help. In our first lives, we give and then in the following lives we receive, We give and then we receive.

Daniel : When people come to talk to you, is there a question that comes up most often ?

Pema : No, there is no question.

(Eric intervenes to bring me a precision)

Eric : In fact when people come to her, there is not really a speech. She gives them the blessing she has received. She passes on what she has received.

Daniel : It’s not a very intellectualized relationship.

Eric : Not on the contrary! It’s direct, it does not go through words. But rather by what is behind the words.

Daniel: I would like to know if you think that each person has something personal to achieve in this existence? Do we all have a goal to achieve during our lives?

Pema: Yes, yes. We have a main goal to achieve. For example, the reason we are gathered here and now is because we have created the conditions for our encounter in our past lives. This may have happened a long time ago. We have known each other for a very long time, that’s why we can meet today. Otherwise we would not meet.

So all our actions today will bear fruit later. If our actions are good then we will have good fruits in the future.

Daniel: But do you think we are the heirs of the stories of our ancestors, that is, are we obliged to continue what they started?

Pema: Yes I think that’s possible too.

Daniel: Can meditation help us to understand what our path is in life ?

Pema then shows us how she meditates. We are all sitting on chairs around a table. For a minute or two, Pema, in her chair, goes into deep meditation, we watch her in silence. We look and feel the density of the air around it.

Eric : Pema showed us how she meditates. At first she took refuge. It means that she has connected with the flow of love and infinite wisdom of Buddhas… To understand it is necessary to visualize a current, that is to say an energy that flows, something alive. A current fed by positive and pure wishes, coming from beings almost like you and me except that they reached the state of Buddha (or Boddhisatva as Karmapa, Sharmapa).

These beings she meets, with whom she lives, have an extraordinary influence and radiance. They belong to a current out of time and out of space. There are billions to be like them. These beings have positive wishes. For starters she connected to them. Hence this formula I take refuge.

Meditation is that for her. Connect with one’s current of consciousness and connect with all these beings too. She has prepared her body (physical position of meditation that helps to soothe our emotional state and clarify our mind). Once asked, she watched her mind. Then she dedicated the fruit of this action (meditation) to the happiness of all beings.

Daniel : It’s hard to understand.

Eric : She wants all beings to be free from suffering. She does not want to keep this positive karma for her own happiness. So she offers it so that all beings come out of the state of suffering.

Pema : Dharma is not an intellectual practice. It is not about reading or thinking about what Dharma is. Dharma is above all our daily life when we have a positive life and we endeavour to make others happy. It’s not just about studying, it’s not enough.

Daniel : Thank you very much.

Specials Thanks : Viviane and Eric and Agnès. Thanks to Katya for allowing to publish the photos.

Photos : All rights reserved Offical website : http://lamapema.org/

English translation for interview : Eric ROBBIOLA.

English translation and proofreading : Agnès GATINIOL.

 

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