Cette interview date de 2007 (!) et c’était ma seconde interview à l’époque. J’avais choisi d’aller vers Jef Sicard, que j’avais la chance de rencontrer régulièrement, puisqu’à cette époque j’enseignais le tai-chi-chuan et qu’il m’arrivait de louer son merveilleux lieu de répétition du Boulevard de La Villette pour y donner mes cours. Habituellement Jef est un souffleur, qui parle peu, mais pour cette occasion, le saxo et les conques ont été abandonnés sur la table et nous avons pris le temps de quelques mots.
Daniel : Qu’est-ce qui pousse un artiste à sortir des sentiers battus de la vie de Monsieur tout le monde ? Toi c’est la musique…
Jef : Oui mais pas n’importe quelle musique ! Pas n’importe quelle approche de n’importe quelle musique. C’est quand même assez précis parce que je ne ferais pas de la musique si je devais la faire autrement. Je ne ferais pas de la musique si j’étais seulement interprète, avec des partitions, comme en musique classique, ça ne m’intéresserait pas du tout. Ce qui m’attire c’est l’improvisation et aussi la lecture comme accessoire pour lire des œuvres mais le moteur c’est l’improvisation.
Daniel : Quelle genre de porte, l’improvisation peut-elle ouvrir ?
Jef : La liberté.
Daniel : Peut-on être aussi catégorique et dire que quelqu’un qui ne fonctionne pas sur le même mode…
Jef : Il trouve une autre liberté.
Daniel : Une autre liberté ? Il y a plusieurs libertés ?
Jef : Il y a plusieurs chemins peut-être pour arriver à une liberté fondamentale. Le chemin de l’interprète va essayer de faire osmose avec l’œuvre, se mettre dans l’esprit du compositeur, ou bien dialoguer avec lui, et dire ce qu’il pense en jouant l’œuvre du compositeur. Dire au compositeur ce qu’il pense de son œuvre. L’exprimer en jouant. Une fois qu’il est vraiment imprégné de l’œuvre, il est aussi libre en la jouant que s’il avait composé l’œuvre. Mais pour arriver à cela, il faut travailler énormément, comme pour l’improvisation d’ailleurs, il faut travailler beaucoup.
Daniel : Si je te demande de te présenter en quelques mots, es-tu simplement musicien de jazz ou autre chose ?
Jef : Musicien, improvisateur. Parce que je joue aussi des musiques du Monde. Des musiques Maghrébines, des musiques Africaines. J’ai joué assez longtemps avec les Latins. Des Cubains. ALFREDO RODRIGUEZ, un pianiste. J’ai joué quatre, cinq ans avec lui. Là je suis dans ma période Maghrébine et puis jazz.
Daniel : D’après toi, peut-on considérer qu’un artiste est une personne plus vivante que les autres ?
Jef : Je ne crois pas que le problème se pose comme ça. C’est simplement qu’il vit à travers quelque chose de très ciblé qui est son art. Il fait passer sa vie là-dedans.
Daniel : Il fait passer sa vie là-dedans et c’est pas le contraire, ce n’est pas cette chose là qui lui insuffle sa vie ?
Jef : Non, tout l’apprentissage d’un art c’est justement de faire passer sa vie. De parler la musique comme je te parle en ce moment. Comme la langue maternelle. Connaître la musique comme sa langue maternelle, parler naturellement.
Daniel : Est-ce que le fait de rentrer à fond dans une discipline comme la musique, te met en décalage par rapport à la vie des autres gens qui ne sont pas artistes ? As-tu cette sensation d’être décalé ?
Jef : Un peu. Je le vois quand je suis avec des intellectuels par exemple. Qui aiment bien parler des choses. Pour qui la fête c’est de parler des choses au lieu de les faire ou de les vivre. Il y en a beaucoup comme ça, qui aiment bien parler. Ils sont dans le langage. Il y a de très bons parleurs, écrivains, penseurs. Moi je pense qu’on ne pense pas qu’avec des mots… Les philosophes qui ont dit ça qu’on ne pensait qu’avec le langage, je ne suis pas de cet avis…
Daniel : Ta musique te permet de trouver un chemin vers ta propre liberté, mais à quoi ressemblerait l’emprisonnement pour toi ?
Jef : Ne pas pouvoir sortir dehors (rires). Ne pas pouvoir composer avec le devenir de ce que je deviens, avec ce qui m’arrive autour de moi. Composer avec tous les sons qui m’arrivent quand je joue, tout ce que je deviens moi. C’est à dire mon projet dans l’instant. Mais pas dans le présent, juste dans le futur après. L’inspiration par le futur en fait. Le devenir c’est très important. Parce que c’est toujours le projet qui entretien le désir en fait, tu vois, tu as un vecteur, un dynamisme.
Daniel : D’après toi, est-ce que chaque personne, artiste ou pas, porte un rêve au fond d’elle ? Un truc qu’il serait bien qu’elle réalise dans sa vie, un truc qui lui vient de loin…
Jef : Le rêve, c’est ces projets qu’on se donne à soi. Peut-être que le rêve c’est d’avoir une révélation en écoutant quelqu’un parler, jouer ou en regardant quelqu’un danser ou marcher… Avoir une révélation et pouvoir retrouver ça par soi-même, retrouver ça en soi-même… On puise le rêve à l’extérieur, en observant le Monde et une fois qu’on a trouvé quelque chose qui nous plait vraiment, alors c’est ça…
Daniel : Le rêve qu’on porte en nous, si toutefois on en porte un, ne nous viendrait-il pas de l’enfance ou de la petite enfance, d’une rencontre, d’une expérience, d’une image ?
Jef : C’est sûr que j’ai souvenir d’un petit harmonica en plastique, j’essayais de retrouver des petits airs dessus quand j’avais quatre, cinq ans. J’ai retrouvé des airs dessus que j’écoutais à l’école. Par moi-même, j’ai retrouvé des airs, j’étais très fier de ça. C’est sûr que c’est un tas de paramètres, une conjugaison. Peut-être certains sont-ils plus importants que d’autres. Ce qui donne la force de continuer… Parce que c’est parfois dur la musique, faut être un peu têtu pour continuer, travailler, c’est qu’on n’est jamais tout à fait content et on est conscient de l’imperfectibilité de ce qu’on fait.
Daniel : On n’est pas content de la technique ou bien d’autre chose ?
Jef : Des sons, de l’articulation, plein de choses… La qualité des vibrations du son. L’articulation qui est vachement importante, les nuances… L’attaque du son, l’enveloppe du son. Il y a plein de manières d’attaquer un son.
Les Japonais le savent très bien avec le shakuhachi… C’est un instrument génial ça ! J’ai vu des concerts de shakuhachi à Paris. Vraiment ils essayent toutes les différentes attaques sur un même son ! Il y a une liberté totale, c’est la flûte la plus libre que je connaisse le shakuhachi. On peut faire des glissando, du bas à l’aigu, on touche pas le sol.
Daniel : Dans le shakuhachi il n’y a pas de mélodie.
Jef : Il y en a une que l’on ne reconnaît pas.
Daniel : Oui c’est vrai je suis d’accord. Est-ce qu’on peut dire que la vie que tu mènes aujourd’hui correspond aux différents rêves que tu portais en toi ?
Jef : Oui, en fait c’est plusieurs rêves. Mon rêve c’est de discuter avec des gens très loin. D’ailleurs j’ai joué avec des japonais avec ITARU OKI un trompettiste qui est connu. Plus les gens viennent de loin, plus ils sont loin et plus la communication est forte. Ce qui est normal puisqu’il y a tellement de différence d’approche entre les deux musiciens qu’il y a une curiosité énorme de part et d’autre.
L’essence du jazz c’est la rencontre, un mélange de cultures énorme à New York entre 1900 et nos jours. Ca a donné naissance à des langages qui sont un peu comme l’espéranto. Des langages musicaux internationaux. Une façon de jouer pouvant s’intégrer dans des cultures différentes, en gardant quand même un langage, un système d’intégration dans chaque cultures comme si on parlait une langue commune. Car chaque culture musicale a ses repères, ses trucs très précis. Mais il y a une façon de jouer qui a été trouvée par des jazzmen, qui permet de jouer avec des Latins, des Africains, des Indiens ou des Maghrébins.
Voilà, ça c’est le jazz. Un langage issu de ce mélange de cultures.
Daniel : Parlons des lieux que tu habites, ce quartier par exemple, influence t’il ton travail ?
Jef : Je ne vais pas traîner dans les cafés…
Daniel : Aucune influence des rues, des atmosphères, des ambiances ?
Jef : Je me balade en bicyclette, à Belleville, je vais faire le marché… Je ne vis pas dans la rue comme lorsque j’ai été à Alger par exemple, là-bas tu restes dans la rue et tu attends… C’est mieux qu’un film du MK2, il se passe des millions de choses ! Une concentration de vies, plein de scènes qui se passent, ça fourmille !
Jean-Michel : Tu penses que c’est perdu ça à Paris ?
Jef : Oui c’est perdu ! Les gens ils sont dans la rue pour passer ! Ils ne sont pas dans les rues pour vivre. Ils vivent le jour du marché peut-être. Ils stagnent un peu le jour du marché et c’est tout. C’est le climat aussi. L’été c’est différent, tu as les touristes qui se baladent.
Daniel : Dans les grandes villes comme ici, c’est le rythme qui nous emporte vers nos occupations…
Jef : Peut-être qu’Il y a un stress du « faire » de l’agir. Faut agir ! On n’est pas dans la contemplation.
Daniel : Toi tu y arrives à vivre comme ça ? Etre un peu dans la contemplation, trouver ton propre rythme ?
Jef : Je joue avec des groupes, il faut que j’apprenne les morceaux, que je m’entretienne, le physique… La contemplation c’est un luxe, ou c’est une voie, un chemin peut-être… De toutes façons quand tu fais de la musique il y a une partie de toi qui contemple et une partie qui agit. On peut très bien faire les deux en même temps : contempler et agir. Je vois pas pourquoi ce serait contradictoire.
Daniel : penses-tu que la personne artiste, de par son travail, a le pouvoir de donner aux autres gens, des outils pour les influencer, pour les aider à marcher vers leur propre liberté ?
Jef : Oui je pense, surtout en musique, aussi avec les arts graphiques…
Daniel : Au plus grand nombre ça apporte quoi ?
Jef : Au plus grand nombre çà apporte un questionnement déjà, ce qui est pas mal. S’ils ne comprennent pas, ça leur apporte un questionnement. Quand on ne comprend pas quelque chose on se questionne, on questionne les choses.
Daniel : Tu as des quartiers préférés dans paris ? Là où il fait bon vivre ?
Jef : Je trouve qu’il ne fait pas bon vivre à Paris. Non, il y a des lieux comme : LES SEPT LEZARDS, LE SUNSET …
Daniel : Mais c’est pas des quartiers ça !! (rires)
Jef : Le Marais, les Halles, le Quartier latin et Montparnasse ! Voilà !! (rires)
Le site officiel de Jef Sicard
Cette interview a été réalisée le 02/07/2007 dans le studio de répétition de Jef Sicard, Boulevard de La Villette (Paris 19). Traduction japonaise Malou Yamashita. Photos © Jean-Michel Jarillot.
Jef Sicard (ジェフ・シカー)は、通常、言葉を使ってではなく、楽器を吹いて表現している。今日は、例外的にサックスと法螺貝をテーブルの上に置いて、お茶を飲み、語る…。僕たちはそんな貴重な時間を持った。
Daniel(以下D):ごくごく平凡な人の人生とアーティストとの違いってなんだと思う? ジェフの場合は、それが音楽なんだろうけど…。
Jef (以下J) :そうだね。かといって音楽なら何でもってわけではないよ。どんな音楽にどんなアプローチのをするかってこと。そこは、厳密なんだ。自分のアプローチの仕方でなければ、音楽だって、きっとやっていなかったと思うからね。クラシック音楽のように楽譜があって、ただそれを演奏するだけだったら、音楽やってないだろう な。そういうことには全く興味を持たなかったはずだよ。インプロヴィゼイションに魅かれているんでね。そして、それに付随してくるけれど、楽曲作品を読むこと。けれどもその動力はインプロにあるんだ。
Daniel:インプロはどんなドアを開けてくれるのだろ う?
Jef:自由へのドアさ。
Daniel:じゃあ、ジェフと同じような方法論でなければ自由は得られない、と決めつけれるのかな?
Jef:いや、別の自由を手に入れるさ。
Daniel :別の自由って?自由にはいろいろあるということ?
Jef:根本的な自由というものに到達するには複数の道があ る。演奏者は作品に浸透するように、作曲家のエスプリの中に身を置くように努める。別の言葉でいえば、彼と対話するわけ。そして演奏しながら自分の思いを語るんだ。作品について自分がどう思うかを語ってるんだ よ。演奏しながらの自己表現。一旦作品が自分にしみ込んだらば、まるで自作の楽曲のように演奏も自由になれる。しかしね、そこに到るには、作品とみっちり取り組まなきゃだ。インプロだってそうなんだよ、相当の<仕事>が必要なんだ。
Daniel : もし一言で自己紹介するなら、ジャズ・ミュージシャン、それとも…?
Jef : ミュージシャン、インプロヴィゼイション・ミュージシャン。 僕は、ワールド・ミュージックも演るからね。マグレブ(モロッコ、アルジェリア、チュニジアなど)系、アフリカ系音楽とか。ラテン系ミュージシャン達ともかなり長くやったな。キューバ人達もね。Alfredo Rodriguez(アルフレド・ロドリゲス)というピアニストとか。彼とは4,5年やったなあ。今現在は、ちょうどマグレブ系音楽とジャズの時期にいるよ
Daniel : アーティストは、他の人たちに比べてずっと自分の人生を活かして生きてると思う?
Jef: 問題はそういうことじゃないと思うね。何かを至極 明確にターゲットにして生きている、それがソイツにとってアートなんだ、シンプルなことさ。ソイツはそれに一生かかわって生きてゆくのさ。
Daniel:一生をそれに関わって生きる、と。むしろ逆で、その<何 か>がソイツの人生に生気を吹き込むんじゃないかな?
Jef: いや。あらゆる芸術の学習は、それこそ、ソイツの 人生 を一生かけて追及するものなんだ。今、君に話してるように、音楽について話すこともそう。まるで母国語のそれについて話す。つまり自然に話せるレベルまで音楽を知ること。
Daniel :たとえばジェフの場合は音楽だけれど、ある一つの専門の世界に徹底的に入って行った場合、アーティスト以外の人達の人生との間にギャップが生まれるのだろうか? ジェフはそういうのを感じているかな?
Jef :少しはね。例えば、インテリ層と一緒にいる時とか。
おしゃべりが好きな人達っているだろ。自分で<それ>に取り組むのでもなく、生気を送りこむのでもなく、<それ>について喋るのが楽しいって人達。こういう人は沢山いるし、とにかく喋り好きだな。ランガージュの世界にいる人達ね。もちろんその中には素晴らしい話し手、作家、思想家がいるわけだけど。僕自身は、言葉では思考してないと思ってる…。哲学者たちは、<我々は言語を用いて思考する>と言ったけれど、僕はそうは思わないね。
Daniel : ジェフにとって音楽は自由へのドアを開いたわけだけれど、では逆に、<閉じ込められている>ってこと は、どんなこと?
Jef : 外に出られないこと(笑)。自分から生成されたもの、周りからの刺激によって自分に湧いて来るあらゆる音を使って、音楽を作っていけないこと。演奏している時、僕にやって来るあらゆる音を自分で構築するからね。つまり自分自身の瞬時の投影だね。それはシンクロ作用ではなく、そのちょっと後やってくる瞬間、微妙な近未来と言えるな。近未来形のインスピレイションさ。生成するってすごく大切だから。だって欲求を常にケアしているのがこの<投影>なんだから、結局。つまり、そこでヴェクトルが生まれる、ダイナミズムが生れるんだ よ。
Daniel:アーティストかどうかに関わらず、人は皆、心の奥に<夢>を持っていると思う? もし、人生で達成できたとしても、本人とはかなり縁遠かったような、そんな 夢…。
Jef :<夢>って、自分自身への投影なんだ。誰かの話や演奏を聞いて、または誰かがダンスしてるのを見て、歩いてるのを見て、はっとするような気づき、じゃないか な…。それを自力で探して再体験すること…。たいていは、世の中を観察してさ、自分の外側に夢を探すけれど。ひとたび心底気に入るものが見つかれば、それなん だよ…。
Daniel :とはいえ、僕たちが抱く夢って、子供時代とか、出会い、体験、イメージ…から来てるのじゃないかな?
Jef:確かにね。僕にはプラスティックの小さなハーモニカの思い出があるな。4、5歳だった。ちょっとした<感じ>を思い出して吹きたかったんだ。それで、学校で聴いていたその<感じ>を思い出してそのメロディーを吹けたんだよね。その時は、ものすごく誇りに感じたものな。夢には様々な要因があって、それが連鎖反応して精製されてゆくのは確かだな。色んな要因の中でも、特に重要なのが多分あるんじゃないかな?それが継続の力の素となって。音楽をやってて、時にはキビシイこともあるんだよ。継続して取り組むためには、ある種、頑固じゃなきゃだめだ。満足するって絶対にないからね。やっていることの不完全さを自覚しているわけだから。
Daniel :不満足というのは、テクニック的に、それとも別のこ と?
Jef :音だったり、曲のメリハリだったり、ヴァイブレイションの音質だったり…そりゃあいろいろ。音のメリハリってすごく大切だし、それに、ニュアンス、インパクト、こもり具合…。ひとつの音を出すのに、沢山のやり方があるか ら。日本人は尺八でそれらのことを良くわかってるよ。最高の楽器だよ! パリでコンサートを幾つも観た。ひとつの音階を出すのにすごく異なった<吹き>を試みてるんだ。これはもう完璧な自由。僕の知る限り、尺八は最も自由な笛だね。低音から高音までのグリセンドができる。着地点がないような浮遊状態の連続だよ。
Daniel : 尺八にはメロディーがないよね。
Jef :僕らが認識できない、そんなメロディーがひとつあるん だ。
Daniel :そう言われれば、その通りだね。ジェフの今までの人生って、自分の抱いてた色々な夢に呼応してると 思う?
Jef :そうね。いくつかね。僕の夢は、とても遠くの人達とディスカッションすること。そう言えば、日本で知られているトランペット・プレイヤーの沖至(おき いたる)とプレイしたことがあるな。遠ければ遠いほど、その人とのコミュニケイションは強烈だ。二人のミュージシャンの音楽的アプローチが相当違うわけだから、そりゃあ、お互いにすごく興味をそそられる訳で、至って当たり前の 話 で。ジャズのエッセンスは1900年のニューヨークに始まって以来今日まで、文化の巨大なミックス、出会いなんだ。エスペラント語とちょっと似てるかな、つまり、一つの共通のランガージュを生んだということ。インターナショナルな音楽言語体系とでも言おうか。 ある演奏法に則ることによって、自分のランガージュをキープしつつも、異なる文化に溶け込むことができる。まるで共通の言語を使っているかのごとく、異なる音楽文化を調和混合させるシステムなんだ。音楽文化って、みな独自の厳密な基準、約束事を持っているわけだから。だけど、ジャズメンによって見出された、ある演奏のルールのようなものがあって、それはラテン系、アフリカ系、インディアン系、マグレブ系の音楽との共演を可能にするわけ。それがジャズさ。文化のこのミクスチュアから生まれたランガージュ(音楽言語体系)なんだよ。
Daniel :住んでいる場所について聞きたいんだけれど、この地区はジェフの仕事に影響を与えてる?
Jef :僕はカフェに行ったりすることないからなあ。
Daniel : じゃあ、この地区の雰囲気、ストリートの影響はないん だ。
Jef:Belleville(ベルヴィル)を自転車で走ったり、マルシェ(パリ市が各区に提供する屋外市場)に行ったり…。Alger(アルジェ。アルジェリアの首都)に滞在していた時のようにうろうろしない な あ。あそこでは道で、待ってるわけ…。MK2(フランスの大手映画館グループのひとつ)の映画を見に行くよりすっごく沢山の事が起こるんだか ら ! 人生の集約、色んなシーンが次々とね、ひしめいてるね。
Jean-Michel :パリではそういう面が失われたと思う?
Jef : そうね。皆、<通る>という目的のために道にいるだけ。生活がそこにあるわけじゃない。たぶんマルシェが建つ時だけは別だけど。その時は、ちょっとした滞りが生まれるけれどね、そのくらいだよ。それと気候もあるな。 夏だと様子が違うだろ、(パリにも)旅行者がウロウロしてるから。
Daniel :パリみたいな大都市では、街のリズムが皆を用事に向かわせるのじゃないかな?
Jef :<何かしなきゃ>というストレスがあるんだろうな。僕たちは、何かをじっくり眺めるという世界にはいないよね。
Daniel :ジェフは、そんな風に生きれるんだ? 自分のリズムを見つけて、ある種、じっくり見つめ思索する世界にいる?
Jef:僕はグループの中でプレイしてるから、楽曲を学ばなくてはならないし、そのためには自分をメンテナンスしなくちゃいけない、肉体的にも ね…。<じっくり見つめて>の生活ってそれは贅沢なもんだよ。それって<○○道>という意味あいでの<道>と呼べるものかも知れないな。いずれにせよ、音楽をやる時に、自分の一部は活動しながら、別の一部が自分を凝視しているからね。僕たちは、この二つを同時にうまくやることができるのさ。凝視しつつそれに取り組む。それがなぜ二律背反なのかわからないな。
Daniel :ひとりのアーティストの仕事が、他人が自由へ向かうように影響を与えたり、ヘルプするようなツールとなり得るだろうか?
Jef:思うよ。特に音楽はね、それとグラフィック・アートとね。
Daniel :そのツールの最大のものって?
Jef:まずは、<問い>だろうな。悪くないだろ? もし理解できなければ、それが<問い>を生 む。「何故だろう」って。
Daniel :パリでお気に入りの地区ってあるの?
Jef :パリは、生きるのに良い所とは思わないな。おっと、そうだ、<les Sept Lezards(レ・セット・レザー)、le Sunset(ル・サンセット)>っていう場所もあるからな…(訳注:いずれも、パリで名の知れた小規模のジャズ・カフェバー)。
Daniel :それって地区じゃないけど!?
Jef:マレ、レ・アール、カルチエ・ラタン、モンパルナス地区ってことさ! (訳注:Le Marais, les Halles,
le Quartier latin, Montparnasse:いずれもギグが毎晩プログラムされているジャズ・カフェバーのある地区)
日本語訳:山下まる