Michel Vray (french / japanese version)

Paris 9ème, dernier étage d’un immeuble de fer. Toiles immenses et sculptures de ferrailles, couleurs sur les murs, bois et tissus, papiers et métaux … Ici les objets se cherchent une âme. Un squat d’artistes c’est comme un lieu de rendez-vous, pour femmes, pour hommes, pour objets, et pour leurs rêves en commun … Rencontre avec Michel VRAY, peintre, poète,  éditeur, mais avant tout « HOMME DE L’ÊTRE ». 

Daniel : Comment choisis-tu de te présenter en quelques mots, artiste peintre ?

Michel : Si j’ai à me présenter, je dis que je suis poète. Je préfère ça puisque ce n’est pas une fonction, c’est un état.

Daniel : C’est-à-dire que lorsque tu dis « je suis poète », les gens ne peuvent pas te cerner !

Michel : Non, ils ne me cernent pas du tout. C’est quoi poète, c’est qui ? Pour beaucoup de gens « poète » c’est RIMBAUD et BAUDELAIRE, VICTOR HUGO, et à partir d’ANTONIN ARTAUD, on commence à entrer dans un monde un peu plus flou. Les gens ne savent pas trop. Ceux qui savent un petit peu disent « ah oui c’est le mec qui a passé son temps dans les hôpitaux psychiatriques ! » Donc quand je me présente, je suis poète. Et puis quand j’écris, je ne peux pas peindre, cela me plait beaucoup… Quand je peins je ne peux pas écrire. Ce sont deux choses qui pourtant vivent ensemble.

Daniel : Tu ne ressens pas de frustration ? Tu n’as jamais fait de tentative pour réunir ces deux mondes ?

Michel : Pas du tout ! Quand j’écris, c’est l’écriture pour l’écriture. Je suis bien, je suis vraiment dans mon univers. Soit j’écris là ou ailleurs, mais je n’ai pas la fibre mythique des terrasses de bistrot. Qu’on arrête un peu sur ces conneries ! Un poète, c’est tout de même quelqu’un qui se lève le matin, prend son déjeuner et va se laver. Mais ça me prend vraiment TOUT mon temps quand j’écris. C’est vraiment un temps réservé à l’écriture. Ensuite, quand je commence à en avoir marre d’écrire et que je me pose la question : « pourquoi j’écris ? », alors je me remets à peindre… Jusqu’à ce que bien sûr je me pose  la question : « pourquoi je peins ? »  Est-ce que tout cela sert à quelque chose ? Je n’en sais rien, mais la seule chose que je sais, c’est que je ne peux pas m’empêcher de le faire. Mais je ne peux pas faire les deux en même temps, peindre une toile le matin et écrire l’après-midi. Tout cela me parait complètement impossible.

Daniel : Nous sommes en ce moment dans un lieux où cohabitent un certain nombre d’artistes. Pourrais-tu affirmer que tous ces gens qui travaillent dans ce lieu, possèdent au fond d’eux-mêmes, une recherche commune…Une obsession commune ?

Michel : Soit je réponds : « je n’en sais rien », ou soit je réponds : « je ne crois pas du tout ! ».  Mais je ne veux pas aller plus loin. Parce que si je vais plus loin, cela veut dire que je vais décider qu’untel, serait mieux qu’unetelle. C’est très dangereux de parler de cette manière. Je ne sais pas du tout qu’elles sont leurs décisions fondamentales pour faire ce qu’ils font. Pourquoi les gens peignent ? Moi il y a 40 ans que je peins et je n’ai toujours pas compris pourquoi.

Daniel : As-tu l’envie de comprendre ou non ?

Michel : Je m’en fous totalement. Mais il y a tout de même des instants où se pose encore cette question : qu’est-ce qu’on fait ?

Daniel : Qu’est-ce qu’on fait de son temps ?

Michel : Non, qu’est-ce qu’on fait de sa vie ! La vie et le temps, c’est assez différent ! J’ai un sentiment d’éternité, mais j’ai aussi le sentiment d’avoir un temps extrêmement restreint sur cette foutue planète. C’est peut-être cela qui, d’une certaine manière, a incité la peinture et l’écriture. Je pense que tous les artistes ont un problème de traces à laisser. Soit il s’agit d’artistes mégalos et fous furieux, qui ne peignent que pour avoir une pérennité dans le temps, soit c’est un vrai besoin, et je fais cela de la même manière que j’aime faire l’amour, boire un coup, déambuler dans les rues, sentir une fleur, regarder une montagne… Je crois c’est très humain la peinture ou l’écriture. Mais je ne peux pas répondre par rapport aux autres.

Daniel : Pourquoi chez les gens qui ne sont pas artistes, on entend souvent ce discours : « quand j’aurais du temps, quand je serais à la retraite, je ferais ceci ou cela ! »

Michel : Je crois que j’ai la réponse définitive : tous les gens SONT artistes, mais ils ne le savent pas ! Quand ils sont confrontés à une exposition, à un vernissage et voient des œuvres sur les murs, ils se disent pourquoi pas moi ?

Daniel : ça peut aussi les décourager non ?

Michel : Oui cela peut aussi décourager. Mais je pense que tout le monde est capable de faire un peu de trucs comme ça. Il faut une pratique, un apprentissage. Moi j’ai commencé par faire des copies de toiles de maîtres à l’huile. A 14 ans, peinture à l’huile, j’avais une chambre qui puait, c’était terrifiant ! Mes parents étaient suffisamment intelligents pour me laisser faire. Il y avait d’autres artistes dans la famille, des musiciens et des peintres. Donc ils se sont dit, « ça y est il a attrapé le virus le petit, laissons-le travailler ! » Ce qui n’est pas mal de la part de parents !  D’habitude les parents veulent que tu deviennes financier, directeur de banque ou ingénieur. Mon père et ma mère ont très bien compris et m’ont acheté de la peinture, des toiles, des pinceaux.

Daniel : Tes parents n’étaient pas artistes ?

Michel : Non, mon père était horloger, c’est un art, il jouait avec le temps !

Daniel : Pourrait-on dire qu’être artiste, c’est notre présence au monde et aux autres… La relation entre l’intérieur de nous-mêmes et l’extérieur ?

Michel : Oui bien sûr. Je me souviens de la première émission à laquelle j’ai participé pour  FRANCE CULTURE, on m’avait traité d’ « objet poétique », j’avais trouvé cela très intéressant de la part du réalisateur. Ainsi il quittait l’enveloppe charnelle pour essayer d’entrer dans un monde de rêve, de conceptions de la vie et c’était bien parce que je ne suis peut-être qu’un objet. La peinture terminée, elle était déjà dans le tube ! Quand on presse le tube on sait déjà ce qu’on va faire. Il ya un besoin et d’où vient ce besoin ? C’est un mystère et je préfère que ça reste un mystère ! 

Daniel : Tu n’as pas le choix ! (rires)

Michel : Non je n’ai pas le choix. Mais c’est passionnant à vivre ça ! On s’aperçoit qu’on n’est vraiment qu’un tout petit truc sur cette planète, mais un petit truc qui a envie de s’exprimer ! Soit pour lui-même ou soit pour les autres. Le but de la peinture est que ce soit les autres qui se l’approprient. Je ne peins pas QUE pour moi, d’abord je peins pour moi et ensuite pour les autres…

Daniel : Tu crées des livres, tu publies d’autres gens… Tu es obligé de faire une sélection pour choisir les auteurs que tu veux publier, J’ai envie de savoir si tu choisis d’abord l’œuvre ou bien la personne ou bien les deux ?

Michel : C’est TRES compliqué. C’est une question difficile. Pour être honnête, j’y arrive de temps en temps, je pense que c’est d’abord l’être qui m’intéresse. Et je me suis aperçu qu’à partir du moment où j’ai des échanges intéressants avec quelqu’un, son écriture lui correspond. Pour la peinture c’est un peu le même principe, un peintre qui fait du figuratif, il a une tête de peintre figuratif. Il est figuratif dans son comportement, tu comprends ? Celui qui est abstrait, ou tachiste, ou surréaliste, il a un fonctionnement de vie qui est abstrait, tachiste ou surréaliste. Donc, moi ce qui m’intéresse, puisque nous parlions des livres, c’est d’abord la rencontre avec la personne. Et ensuite, si cette personne écrit et me propose des textes, je ne vais peut-être pas les publier pour autant, mais je me suis aperçu que 9,9 fois sur dix, le texte correspondait au comportement humain de cette personne. C’est bien cela qui me plaît,  car faire des bouquins… D’autres le font mille fois mieux que moi et dont c’est le métier, Moi ce n’est pas mon métier, mais j’y prends du plaisir. Alors il y a certains livres qui sont complètement différents, que je ne fais plus en tant qu’artisan, mais en tant qu’artiste. La mise en page est différente. C’est des bouquins que je ne fais qu’à un seul exemplaire et que parfois j’offre à la personne. Je ne veux pas qu’ils soient publiables ni publiés. Donc là, je peux me lâcher, et faire ce que j’ai vraiment envie de faire puisque c’est un geste d’amour.

Daniel : Mais je ne comprends pas, pourquoi ne peux-tu pas te lâcher aussi avec les autres ?

Michel : Non, parce que l’autre a aussi son regard ! Un écrivain ne va pas forcément accepter une police bizarre ou une taille de lettres énorme. Dans le monde de l’édition, les gens sont restés extrêmement classiques dans leurs goûts et comportement. On doit en tenir compte pour que le livre se vende, puisque c’est quand même le but !

Daniel : Le miracle c’est quand tu t’accordes, quand tu accordes ton travail avec la demande de l’auteur.

Michel : Oui mais je dirais que le mieux c’est quand personne ne me demande de faire quoique ce soit. Tu vois, la différence qui existe entre la peinture et l’édition : la peinture, c’est MON problème, l’édition, c’est MON problème AVEC une toute petite différence : j’ai besoin que la personne que je vais éditer me donne un peu de sa vie. Cette personne a des yeux, donc a un droit de regard sur son travail ! Et si je n’ai jamais eu de réflexions, c’est parce que je connais bien les gens. Je sais jusqu’au où je peux aller avec une personne ou avec une autre. Certains sont dans un sérieux de l’écriture et tu ne peux pas ajouter de fioritures. C’est seulement l’écriture pour l’écriture. D’autres te laissent leurs documents et tu sens que tu peux en faire ce que tu veux, ils seront d’accord. Là, ça fonctionne autrement. C’est très intéressant le rapport avec les gens qui peignent, qui dessinent ou qui écrivent. Ils ont sortis quelque chose de leur cerveau, donc il faut quand même entrer un peu dans le cerveau de l’autre, pour ne pas le brusquer… Pour lui livrer un objet qui va correspondre à son désir inconscient, et aussi tout de même, à ce qu’il eut aimé voir. Quand je demande à éditer une œuvre, parfois la réalisation mettra un an ou deux. Il n’y a pas de brusquerie.

Daniel : Pour toi, les gens qui sont engagés dans un cheminement artistique, sont-ils des gens plus vivants que d’autres ?

Michel : Tous les poètes que je connais ont tendance à donner plus… Donc, si c’est ça être vivant alors oui… L’artiste ou l’artisan, il communique suffisamment pour être très vivant.

Daniel : Mais, est-ce que le monde des obligations matérielles fait autant pression sur l’artiste que sur les autres personnes ?

Michel : Il fait autant pression sauf que l’artiste doit absolument s’en départir. Sur moi l’argent n’a absolument aucune  pression. Mais j’en ai besoin pour acheter à manger, pour acheter du vin, prendre le métro… Mais peut-être qu’on est plus libre, d’une certaine manière… Moi si je n’ai pas de sous alors je n’ai pas de sous ! Si j’ai vraiment très envie de faire un bouquin et que le choix s’impose entre acheter à manger ou acheter du papier et de l’encre, alors maintenant, oui j’achèterai du papier et de l’encre ! ça me parait plus important.

Daniel : L’artiste semble avoir un peu plus de maitrise sur ses choix que les autres gens ?

Michel : Je pense que oui. Maintenant je ne sais pas comment fonctionnent les autres. Ce que je sais, c’est que quand je suis très obnubilé par quelque chose, je vais acheter les matériaux qui vont me permettre de combler ce manque. Quand je commence un livre, je suis vraiment dedans, je prends un pied fabuleux à faire de la mise en page. C’est magique. Tu es là devant une page blanche et tu dois organiser, d’une manière intelligible, la pensée d’un autre ! Ce sont des instants avec une problématique terrible ! Je trouve cela très  passionnant.

Daniel : Quand les artistes présentent leur travail au monde, ont-ils une certaine forme de devoir ?

Michel : C’est immense cette question ! Peut-être, oui. Pour moi le fondement, le but de l’artiste, c’est de mettre à jour ce qu’il a dans son crâne, et de le livrer aux autres ! Je suis persuadé qu’on a une fonction, une vraie fonction. Pas seulement pour s’amuser avec des pinceaux et des toiles. On est là pour participer à la création.

Daniel : L’artiste a-t-il un potentiel pour aider les gens à se rapprocher de leurs propres rêves ?

Michel : Oui, oui, j’en suis persuadé.

Daniel : Donc, à l’inverse, est-ce que ça peut aussi les éloigner de leurs propres rêves ?

Michel : Oui, c’est pour cette raison qu’un artiste ne doit jamais oublier qu’il est responsable de quelque chose.

Daniel : C’est pas gagné ! Mais toi tu sens ce sentiment de responsabilité ?

Michel : Complètement. Sans pour autant me prendre au sérieux. Non seulement je sens cela, mais cela me parait évident et extrêmement important. Moi j’ai compris cela il y a seulement dix ans. Je peins depuis 40 ans et j’ai compris il y a seulement dix ans, tu vois ?

Daniel : Compris quoi ?

Michel : Que je ne suis pas tout seul sur la planète à faire mon truc dans mon coin. Mais que je participe à l’amour global, à la tentative d’un respect de la vie… Donc ça rapproche des autres. A partir du moment où tu peins et tu écris d’une manière totalement humaine, tu te rapproches des autres, immanquablement, les autres viennent à toi car ils trouvent de la chaleur dans l’image que tu produis. C’est pas du tout « laissez venir à moi les petits enfants » je ne suis pas du tout dans un contexte comme ça ! Mais je pense que c’est très important, c’est comme ça que sont nés des groupes comme les surréalistes ou les cobras, ce sont des gens qui se sont rassemblés autour d’une conception à peu près similaire, soit de l’écriture, soit de la peinture. Chacun à l’autre, apporte quelque chose. Une fois que tout est globalisé, on apporte au reste du monde. La chose à laquelle je crois le plus, c’est qu’on a une fonction dans la société ! Une fonction qui n’est pas banale puisqu’on donne de soi ! A chaque fois que j’offre ou que je vends quelque chose, j’ai vraiment le sentiment profond d’offrir un petit bout de moi, et j’aime beaucoup.

Daniel : Dis-moi ce qui t’inquiète le plus dans la vie des autres ?

Michel : Leur solitude ! La solitude des gens, j’ai l’impression qu’ils vivent dans un monde de complète solitude. Il y a très peu d’échanges entre les gens, c’est très rare de pouvoir discuter avec quelqu’un.

Daniel : Est-ce que l’artiste a moins peur de la solitude et du silence que les autres gens ?

Michel : Il vit peut-être plus dans la solitude que les autres…

Daniel : Il s’y frotte plus.

Michel : Il s’y frotte, mais il ne s’y pique pas ! Je pense que l’artiste est très solitaire. La création, c’est un truc solitaire. Quand tu peins une toile, personne ne peut t’aider. C’est vraiment bizarre. Bien sûr, après on peut te dire : « ça me plait beaucoup ou ça me plait pas » mais dans le fond, nous on s’en fout ! J’ai tellement entendu d’absurdités dans le style : « cette toile me plaît vraiment beaucoup mais si elle était bleue elle serait tellement mieux ».  Quand tu peins, tu es avec ta peinture, tes couleurs et ta toile, et tu es tout seul au monde… Aussi bien pour réaliser un chef d’œuvre qu’une merde. C’est cela aussi la peinture !

Daniel : Imagines que tu rencontres une personne prisonnière dans une vie de routine, une personne enfermées dans une existence à l’opposée de la tienne. Quel conseil pourrais-tu lui donner ? Aurais-tu envie de faire avancer cette personne ?

Michel : Pas du tout ! Non, pour la simple et bonne raison que moi, j’ai un temps alloué, un temps qui m’est strictement imparti, qui est le mien et je n’ai pas envie de perdre mon temps avec qui que ce soit ! C’est terrifiant ce que je viens de dire, mais je le pense. Tu me poses une question un peu difficile à répondre car elle implique plein de choses ! Tu vois, s’il n’y avait pas eu un minimum d’atomes crochus entre nous, je t’aurais dit que ce n’était pas la peine de venir ! Je ne m’encombre pas… J’ai assez de souffrances personnelles avec mon travail, ma vie, mon corps, mon cerveau et tout le bazar ! De plus, je ne suis le gourou de personne ! Ce que je sais, je ne le sais que pour moi, et je sais tellement peu de choses que je n’ai pas envie de fourvoyer les gens sur des routes inconnues.

Daniel : Il est bien évident que l’artiste ne détient aucune recette miraculeuse, mais je tente de cerner la situation d’emprisonnement et d’appauvrissement de beaucoup de gens. Quel est le petit grain de sable que l’on peut ajouter dans une vie quotidienne et monotone ?

Michel : Le petit grain de sable, le ciron, dixit PASCAL, qui fait que toute la machine se grippe ! C’est une question intéressante, j’ai déjà rencontré des gens comme tels, et je me dis que s’ils ne sont pas préparés, s’ils n’ont pas la culture suffisante, tu vas leur poser une problématique qu’ils seront absolument incapables de résoudre ! Soit, il te faut épouser la personne, pour cerner le problème de l’autre et l’amener à être plus tranquille avec elle-même, mais c’est un travail de 10 ans !
Toutes les personnes avec lesquelles j’ai pu avoir des rapports, tendres, amoureux ou intelligents, étaient des gens qui ne fonctionnaient pas comme moi, mais il y avait tout de même un truc : L’autre n’était pas en manque de quoique ce soit, ni en recherche de quoique ce soit, mais d’une certaine manière, il était en manque de TOUT et en recherche de TOUT.  Donc, moi qui suis pareil, nous avons mis nos manques en commun. Tu connais le proverbe, « qui se ressemble, s’assemble ». Je ne veux pas du tout passer cinq ou six ans de ma vie à aider quelqu’un, je ne suis pas l’Abbé Pierre. Je ne suis que le Père Michel ! (rires).

Cette interview a été réalisée le 14/05/2009 dans les ateliers du squat de la rue de la Tour des Dames à Paris (9). Photo d’ouverture © Danielle Wuillaume – Autres photos © Michel VRAY – Traduction japonaise REIKO NONAKA.

 

パリ9区、鉄の建物の最上階膨大なキャンバスとくず鉄の彫刻、色とりどりの壁面、木、布、紙、金属など・・・ここでは、オブジェたちが魂を探し求めている。
このスクワット(アーティストに不法占拠された建物)は、女性、男性、オブジェ、そして彼らの共通の夢の出会いの場所だ。
画家であり、詩人であり、編集者でありながら、何よりもまず内面的なものを追及している作家である、 Michel Vrayと出会い。

ダニエル:自分を自己紹介するとしたら、どういう言葉を選ぶ?アーティスト?画家?

ミッシェル:詩人だね。仕事ではなくて、状態を表す言葉だから、気に入ってるんだ。

aniel:つまり、君が「僕は詩人です」というときは、人々は君が何者かわからないということだ!

ichel:そうだね、全然はっきりしないだろうね。詩人って何?多くの人々にとって、詩人と言えば、RIMBAUD や BAUDELAIREやVICTOR HUGOだが、ANTONIN ARTAUD以降、それが少しぼんやりし始めた。人々はあまり彼のことを知らないんだ。少し知っている人は、「あー、精神病院で生活していた人ね!」と言ったりする。だから、僕は自己紹介するときは、詩人と言うんだ。僕は文章を書いている時は、絵を描くことはできないけど、それがとても気に入っている。絵を描いている時は、文章を書くことはできない。にも関わらず、この2つは共存しているんだ。

aniel:フラストレーションを感じないの?この2つの世界を1つにしようと思ったことは一度もないの?

ichel:全くないね!僕が書いている時は、書くことに集中している。本当にすっかり自分の世界に入りこむんだ。ここで書いたり、もしくは他の所で書いたりするけど、僕はビストロのテラスで書くようなまねはしない。そんなばかばかしいイメージを持つのはやめてほしい!詩人というのは、朝起きて、食事を取り、顔を洗いに行くような普通の人間なんだ。でも、僕が書いている時は、本当にすべての時間を費やしてしまう。まさに、書くために取っている時間だね。そして、飽き飽きし始めたら、自分に問いかける。「なぜ書いているんだ?」そして、今度は絵を描き始める。もちろん、「なぜ描いているんだ?」と思うまでね。全くこれは何かの役に立つんだろうか?さっぱりわからない。でも、1つだけわかるのは、僕はそれをせずにはいられないということだ。ただ、僕はこの2つを同時にはできない。朝に絵を描き、午後に文章を書くなんてことは、僕には絶対不可能だと思う。

aniel:ここは、何人かのアーティストが共同生活をしている場所だよね。君は、ここで仕事をしている人たちは、みんな心の奥に、共通の探求心や観念を持っていると断言できる?

ichel:「知らない」と答えるか、もしくは、「全くそうは思わない!」と答えるかだね。でも、あまりつきつめたくない。だって、つきつめていくと、この人よりあの人の方がいい、なんて判断することになるからね。こういう風に話すのは危険だね。なぜ彼らがここに住むという決断をしたのか、僕には全くわからない。なぜ人は絵を描くのだろうか?僕は40年前から絵を描いているけど、今でもなぜ描いているのかわからないよ。

aniel:わかりたいと思ったことはないの?

ichel:そんなことは本当にどうでもいいんだ。それでもやっぱり「何をしているんだ?」と自分に問いかける瞬間があるよ。

aniel:自分の時間を何に費やすか?

ichel:いや、自分の人生を何に費やすかだよ!時間と人生は、かなり違うよ!僕は永遠を信じているけど、この地球上には極めて限られた時間しかないという自覚もある。たぶん、ある意味、それが絵や執筆にかりたてるものなんだ。すべてのアーティストは自分の痕跡をどう残すかという問題を抱えていると思う。傲慢なアーティストや強迫観念に駆られた人たちが、時間の中に永続するためだけに描いているか、もしくは、セックスしたり、一杯飲んだり、散歩したり、花の匂いを嗅いだり、山を眺めたりするのと同じように、本当に必要でやっているかだね。絵や執筆はとても人間的なものだと思う。他の人に関しては、僕は答えられないけどね。

aniel:なぜ、アーティストじゃない人たちは、「時間ができれば、退職したら、あれもこれもやるんだ!」とよく言うのかな?

ichel:決定的な答えを知っているよ。すべての人は、アーティストなんだ。でも、みんなそれを知らない!展覧会やベルニサージュで壁面の作品と対面して、「自分にもできるんじゃないか?」と思う。

aniel:がっかりすることもあるんじゃない?

ichel:うん、そうなんだ。でも、だれでも何か少しはできることがあると思う。実践して習得しなきゃいけないんだ。僕は、巨匠の油絵のコピーから始めた。14歳で、油絵だ。すさまじい悪臭のする部屋を持っていたよ!僕の両親はとても賢明で、僕の好きなようにさせてくれた。家族の中には、他にもミュージシャンや画家などのアーティストがいたから、「ようやく、彼も熱に取りつかれたようだね。好きにさせてあげよう!」と言っていた。いい両親だよ!普通の両親は、財界人や銀行の支配人やエンジニアになってほしいと思うけどね。僕の父と母は、僕をよく理解してくれて、絵の具やキャンバスや筆を買ってくれた 。

aniel:両親は、アーティストだったの?

ichel:いや、父は時計職人だった。これは、一つのアートだよ。彼は時間と遊んでいたよ!

aniel:アーティストは、自己と他者の存在、つまり自分自身の内の世界と外の世界の関係に、特別な感覚を持っていると言えるかな?

ichel:もちろんだよ。僕が初めて参加したフランス・カルチャーの番組のことを思い出すよ。ディレクターが、僕のことを「詩的なオブジェ」と取りあげて、これはとてもおもしろいと思ったね。彼は、夢の世界や人生の概念の世界に入るために、僕の肉体的な外見を取り除いていた。これはよかった。というのも、僕はたぶん単なるオブジェでしかないんだ。描き終えた絵は、すでにチューブの中にあったものなんだ!チューブを押したら、もうするべきことはわかっている。描きたいという欲求があって、その欲求はどこからきたのか?これは謎だけど、謎にしておく方がいいと思うよ!

aniel:謎にしておくしかないんだ!(笑)

ichel:そう、他にしようがない。でも、これを体験するのは非常におもしろいんだ!僕達は、この地球上で本当に小さい存在なんだということに気づく。でも、この小さい存在が表現したいと思うんだよ!自分自身のために、もしくは、他の人のために。絵の目的は、他の人に何かをもたらすことだ。僕は、自分のためにしか絵を描かない。まずは自分のために、それから他の人のために。

aniel:本を作っているよね。他の人のも出版している。出版する作家を選ぶために、セレクションをしなければならないよね。まず、作品で選ぶのか、もしくは人で選ぶのか、もしくはその両方か、知りたいんだけど。

Michel :それがとても複雑なんだよ。難しい質問だね。正直にいえば、まずは興味の持てる人間性で選ぶことが、しばしばある。そして、興味深い意見交換をしている時に、その人の文章が彼の人間性と一致していることに気づく。絵についても、少々同じ原則で、具象画家は、具象画家の頭を持っている。振る舞い自体も、具象的なんだよ。わかるかい?抽象画家やタシストやシュールレアリストは、生活自体が、抽象的で非定形的で現実離れしているんだ。つまり、本に関して僕が興味があるのは、まず人との出会いだね。その次に、その人が書いたものを僕に提案したとしても、だからと言って、たぶん出版はしないね。でも、10回のうち9.9回は、文章がその人物の人間性と一致することがある。これは嬉しいよ。だって、単に本を作ってもね・・・これを仕事にしている人たちは、僕よりはるかにうまくやっているよ。僕は、これは仕事ではないけど、楽しいんだ。職人としてではなく、アーティストとして作った、全く違うタイプの本もいくつかある。ページデザインが違うんだ。時々人にプレゼントするために、一冊しか作らない本だよ。発表することも、出版することも望まないんだ。だから、そこでは自分を解放することができる。本当に自分のやりたいようにやるんだ。だって、これは一つの愛情表現だからね。

aniel:わからないんだけど、どうして他の人のためにも自分を解放することはできないの?

ichel:できないよ。だって、他の人も視点を持っているんだ!作家は、当然変なフォントや並はずれた大きさの文字を受け入れはしない。編集の世界では、人々は極めて月並みな好みや行動におさまっている。本を売るためには、それを考慮に入れなければならない。やはり売ることが 目的なんだからね!

aniel:奇跡は、君の仕事と作家の要求が一致するときだね。

ichel:そうだけど、相手が僕に何も要求しないときが一番いいと言える。絵と出版の違いがわかる?絵は、僕だけの問題だけど、出版は、出版する人物の人生を少し知る必要があるというところが、ちょっと違うんだ。その人物は目を持っている。つまり彼の仕事について、見る権利があるんだ!もし、僕が何も文句を言われなかったら、それは僕がよくその人物を知っているからだ。僕は、他の人たちとどこまでやれるかわかっている。入念な文体で、全く飾りをつけることができないようなものもあれば、相手が文書を任せてくれて、やりたいようにやらせてくれる場合もある。彼らは、脳の中から何かを取り出しているから、がっかりさせないためにも、無意識の願望や期待に応えられるものを届けるためにも、やはり少しは他人の脳の中に入っていく必要がある。僕が作品を出版するときは、しばしば制作に1年か2年かかる。性急にはできないものなんだ。

aniel:アーティストの道を選んだ人たちは、他の人たちよりも生き生きしていると思う?

ichel:僕が知っている詩人はみんな、より何かを与える傾向があるね。つまり、それが生き生きしていると言えるなら、うん、そうだね。アーティストや職人は、生き生きするために十分にコミュニケーションを図るね。

aniel:でも、日常的制約は、他の人と同様にアーティストにもプレッシャーをかけている?

ichel:与えているだろうね。でも、アーティストはそのピレッシャーから抜け出さなければいけない。僕にとっては、お金は全く何のプレッシャーにもならない。しかし、食べ物やワインを買うために、メトロに乗るために、お金は必要だ。でも、たぶん僕たちはある意味もっと自由なんだ。お金がなければお金はない!もし、本当に本を作りたいと思って、食べ物を買うか紙やインクを買うかの選択を迫られたら、そうだね、今は紙とインクを買うね!そっちの方が大事な気がする。

aniel:アーティストは、選択に際して、他の人よりも自制できると思う?

ichel:そう思うね。他の人がどうなのかは知らないけど、僕は、何かに強く取りつかれている時は、不足を補えるものを買う。僕が本を作り始めると、本当に入り込んでしまって、ページデザインで信じられないほどの強い快感を感じるんだ。これはマジックだね。白紙のページを目の前にして、わかりやすい方法で他人の考えを編集しなければならないんだ!すばらしい問題提起を伴った一瞬一瞬だよ。これは、本当に夢中になるね。

aniel:アーティストが世間に作品を発表するとき、負うべき責任はある?

ichel:それは、壮大な質問だ!たぶん、そうだね。僕にとって、アーティストの原理と目的は、頭の中にあるものを明るみにして、他の人に送り届けることだ!僕達は、ある役割、それも真の役割を担っていると確信している。単に、筆とキャンバスで遊んでいるわけではない。僕たちは、人間的な創作活動に参加するためにここにいるんだ。

aniel:アーティストは、人々がそれぞれの夢に近づくための手助けをすることができると思う?

ichel:うん、うん、それは確かだね。

aniel:ということは、逆に、その夢から遠ざけることもあるのかな?

ichel:そうだね、だからこそ、アーティストは何らかの責任を担っているということを決して忘れてはいけないんだ。

aniel:それは大変だね!君は責任感を感じるの?

ichel:すごく感じるよ。だからといって、真剣には受け止めてはいないよ。それだけを感じているわけではないけど、それは明らかで、とても重要なことだと思う。僕は、ほんの10年前にそれがわかった。40年前から絵を描いているのに、10年前にやっとわかったんだよ。

aniel:何がわかったの?

ichel:自分は地球上で、たった一人自分の世界で自分のことをやっているわけではなく、包括的な愛や、よりよい世界をつくるための働きに参加しているってことだよ。つまり、これが他人を近づけるんだ。とても人間的なやり方で絵を描いたり文章を書いたりする時点から、他の人に近づき、必然的に他の人はこちらにやってくる。というのも、僕が生み出すイメージの中に、人々は熱意を見出すんだ。「子どもたちを私のところに来させなさい。」(イエス・キリストの言葉)という意味では全くないよ。でも、そういうことがとても大事で、そうやってシュールレアリストやコブラのようなグループが生まれたんだと思う。文体や絵画についてほぼ同じような考えを持って集まってきた人たちだ。それぞれが他の人に何かをもたらす。一旦すべてが包括されると、世界の他の人たちにもたらす。僕が最も信じていることは、僕たちは社会の中である役割を担っているということだ!その役割は月並みなものではないんだ。だって自分自身を与えるものだから!何かを贈ったり売ったりする度に、僕自身の一部を贈るようなとても奥深い気持ちになる。それが大好きだね。

aniel:他の人の人生で何を最も心配している?

ichel:孤独だね!人々は、完全に孤独な世界で生きていると思う。人々の間の意見交換がとても少なくて、だれかと話し合うことがめったにない。

aniel:アーティストは、他の人たちより、孤独や沈黙をあまり恐れないのかな?

ichel:たぶん、他の人たちより、もっと孤独な世界で生きているよ。

aniel:アーティストは、より孤独と共にいる。

ichel:そうだね。でも、孤独を恐れてはいない!アーティストはとても孤独だと思う。制作は、孤独な作業だ。絵を描いている時は、誰も助けてはくれない。本当に奇妙だよ。もちろん描き終わると、人々は「とてもいいね」とか「気に入らない」とか言うけど、本音は、そんなことはどうでもいいんだ!「この絵はとてもいいけど、青かったらもっとずっといいだろうね。」なんてばかげたことを言っているのをよく聞く。絵を描いている時は、自分の絵と絵の具とキャンバスと共にあって、世界でたった一人なんだ。愚作もあれば大作もある。それがまた絵というものだ!

aniel:もし、普段の生活に縛られて、君とは反対の生き方に引き込もった人に出会ったとする。君はどんな助言を与える?この人を前進させたいと思う?

ichel:いや、全く!簡単で的確な理由として、僕に与えられた時間は限られているし、それは僕のもので、どんな人とでも自分の時間を失うようなことはしたくないんだ!今言ったことは、自分でもぞっとするけど、でも、そう思う。君はちょっと難しい質問をしたね。これは、いろんなことを引き起こす問題だ!もし、君と僕の間に最低限の共感がなかったら、僕は君に来る必要なないと言っただろうね!時間を持て余してるわけではないからね。僕は仕事や人生や体や頭や日常生活に、かなり個人的な苦しみを抱えている!それに、僕は教祖的人物ではない!僕に言えるのは、僕は僕自身のことしかわからないということと、知らない道にいる人々を道に迷わせたくはないということだけだ。

aniel:アーティストは何の解決策も持っていないということは明らかだけど、多くの人の縛られた貧困の状況の中で考えてみたいんだ。変化に乏しい日常生活を少しでも変えることができるとしたら、どんなことだろう?

ichel:パスカルは、砂粒やシロン(ダニの一種)はすべての機械を麻痺させると言っている!興味深い質問だね。僕はすでにそういう人たちに出会ったことがある。彼らに心の準備ができていなければ、十分な教養を持っていなければ、絶対に解決できないような問題なんだ。他人の問題を限定して、安らぎをもたらすためには、その人と結婚しないといけないよ。10年ものの仕事だ! 僕が今まで関係を持ってきた人たちは、みんな優しくて愛情に満ちて聡明で、僕と同じように動く人たちではないけど、それでも共通点がある。彼らに足りないものは何もなく、何も求めてはいないが、ある意味、全てが足りなくてすべてを求めているということだ。つまり、僕も同じで、僕たちは共通のものが欠けているんだ。「似た者同士が集まる」という格言を知っているよね。僕は、誰かのために人生の5、6年を費やしたくはない。僕は、ピエール神父ではないからね。僕は、ミッシェルおじさんでしかないんだよ!(笑)

Une réflexion sur “Michel Vray (french / japanese version)

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