Ryôsan (moine zen du Ryutaku-ji)

Au mois d’août 2019, à l’initiative de Madame Nicole Savigny-Kespi, j’ai eu la chance de rencontrer le moine zen Ryôsan (Seiryo Mizuguchi) du temple Ryutaku-Ji, invité en France par le Centre Assise pour y diriger une sesshin. Cette rencontre amicale s’est déroulée en présence de Madame Nicole Savigny-Kespi, Monsieur Robert Fenié, Monsieur Thierry Vallier et avec la précieuse collaboration de Madame Yuko Murakami qui a accepté d’être notre interprète.

Daniel : Pour débuter notre rencontre, je souhaite en savoir plus sur vos origines familiales, de quelle région du Japon êtes-vous originaire ?

Ryôsan : Je suis né dans le département de Toyama.

Daniel : De votre petite enfance, avez-vous gardé en mémoire un évènement qui aurait pu être annonciateur de la vie qui est la vôtre aujourd’hui ?

Ryôsan : Je suis né dans une famille qui vit au temple. Les moines bouddhistes japonais ont la possibilité de se marier et mon père est moine dans un temple. Je suis donc un moine, fils de moine.

Je ne me souviens pas d’avoir beaucoup joué avec mon père, comme jouent avec leurs pères les autres enfants. Mais pour moi, imiter ce que faisait mon père était une sorte de jeu. Lorsque j’étais un moine débutant, mes expériences d’imitation faites avec mon père, m’ont beaucoup aidées. Cela pouvait être dans la manière de réciter les sutras, ou la façon d’utiliser les instruments pendant la récitation. Tout cela s’est installé en moi, pendant mon enfance, en imitant mon père.

Par contre, même si je voyais mon père faire zazen plusieurs fois par jour, malgré tout, je ne me sentais pas attiré par le zazen. Maintenant que je suis devenu moine à mon tour, je comprends pourquoi mon père consacrait chaque jour beaucoup de temps au zazen.

Daniel : Votre Grand-père était moine également ?

Ryôsan : Oui, tout à fait. Les moines de la génération de mon grand-père ont été les premiers à avoir eu l’autorisation de se marier. Donc ma famille, la famille Mizuguchi est issue de cette génération.

Daniel : Pendant votre formation de moine, avez-vous pensé à un autre style de vie ? Avez-vous pensé à ne pas suivre cette voie et avez-vous été attiré par une autre vie ?

Ryôsan : Je ne peux pas dire que je n’ai jamais eu ce genre de pensée.

Daniel : Cela m’intéresse. Y-a-t-il eu un choix conscient de votre part ? Qu’est-ce qui vous a aidé à faire ce choix ? Qu’est-ce qui vous a aidé à accepter cette voie? 

Ryôsan : Etant né dans cette famille, j’ai toujours pensé que je deviendrais moine, moi aussi. Je me disais que c’était ma destinée. Les pensées qui étaient venues dans mon esprit étaient plutôt du genre : si je n’étais pas né dans cette famille, qu’aurais-je pu faire de ma vie ? Véritablement je n’ai jamais pu envisager de faire autre chose que devenir moine.

Daniel : J’aimerais que nous parlions de la transmission. De l’enseignement, du savoir. Est-ce que quelque chose vous inquiète dans la façon de transmettre ? En tant que moine, enseignez-vous ? 

Ryôsan :  Je n’ai pas beaucoup d’occasions pour enseigner.

Daniel : Tout de même, vous enseignez en France.

Ryôsan : Effectivement, j’ai l’occasion en France. Dans le temple de mon père aussi, j’ai parfois l’occasion de réunir quelques personnes ou des amis pour leur apprendre l’assise. Seulement, dans le temple de mon père, je suis sous la responsabilité de mon père, donc je ne peux pas faire exactement comme je l’entends. Je dois suivre …

Daniel : Cette notion de suivre m’intéresse beaucoup. Vous suivez le chemin familial et vous suivez aussi un enseignement qui vient de beaucoup plus loin.

Ryôsan : A partir du moment où j’ai débuté mes entrainements bouddhistes, j’ai considéré mon père comme mon maître, et même plus mon maître que mon père.

Daniel : Ne croyez-vous pas, que parallèlement, nous sommes aussi en train de suivre une autre trace, indépendante de la trace familiale ? J’aimerais avoir votre point de vue sur cette voix intérieure (également voie intérieure) qui nous parle, même si c’est une notion très abstraite. Il y a un choix de vie qui s’est invité, car une trace familiale est offerte, mais j’aimerais savoir si ce choix de vie répond également à un chemin intérieur qui serait plus personnel encore.

Ryôsan : Mmm … à franchement parler, peut-être que ce choix ne correspond pas exactement à 100 % à mon questionnement intérieur.

L’existence de mon père est pour moi une aspiration, je voulais être comme mon père et c’est la raison pour laquelle j’ai pris la décision de me lancer dans les entrainements monastiques.

Daniel : De tous ces entrainements, quel est celui qui vous rend le plus heureux ?

Ryôsan : (rires) Difficile de répondre à cette question car la vie monastique avec ses entrainements était quelque chose de naturel pour moi. C’était ma vie, cela faisait partie de ma vie. Au début, lorsque j’ai commencé mes entrainements, je n’étais pas très à l’aise avec la méditation assise, j’avais mal aux jambes, alors je préférais faire le samu, c’est à dire le nettoyage, en utilisant mon corps. Aujourd’hui, tout cela est mon quotidien, je ne me pose pas la question pour savoir si j’aime ou pas, c’est comme ça. Mais si je prends la peine de réfléchir, bien évidemment, il y a des choses qui sont pour moi, plus faciles que d’autres.

Daniel : Pensez-vous que chacun d’entre nous, a un chemin à suivre dans cette existence ?

Ryôsan :  Je n’ai jamais pensé de cette façon un peu philosophique.

Daniel : Je n’aurais peut-être pas dû utiliser le mot « penser » disons « ressentir ».

Ryôsan :  Plutôt que de parler d’un chemin pour chacun, je préfère parler de l’environnement dans lequel chacun vit. Chacun vit avec un contexte particulier, familial ou autre. Je pense comme cela.

Daniel : Je ne suis pas certain d’avoir compris… Lorsque vous évoquez l’environnement de chacun, est-ce que vous voulez parler de nos obligations ?

Ryôsan :  Qu’entendez-vous par la notion de chemin ? 

Daniel : C’est bien évidemment une image abstraite, certaines personnes peuvent aussi utiliser le mot destinée mais ce n’est pas ainsi que je l’entends. Je voudrais savoir si vous vous sentez guidé, en dehors des enseignements, en dehors de la voie familiale. Y-a-t-il une troisième option ?

Ryôsan : Si maintenant je réfléchis à mon parcours jusqu’à aujourd’hui, je peux dire que j’ai peut-être été guidé par quelque chose. Mais quand j’ai franchi la porte du monastère, je ne pensais pas du tout à cela.

Daniel : Quelles sont les attentes des personnes qui viennent pratiquer le zazen dans le monastère au Japon ?

Ryôsan : Ces personnes cherchent une sérénité ou un bien-être intérieur.

Daniel : Est-ce que les Français disent plus de choses ? Lors des sesshins en France, avez-vous l’occasion de communiquer avec les participants ?

Ryôsan : J’ai commencé à venir en France pour succéder à Eizan Rôshi. La première fois que je suis venu en France, j’ai posé une question à Jacques Breton. Je lui ai demandé : pourquoi les pratiquants catholiques font-ils le zazen ? Il m’a répondu que c’était pour approfondir leur foi. Pour avoir une foi plus solide.

Daniel :  Je vais vous poser une question très naïve. Lorsque vous avez reçu cette réponse, avez-vous pensé que vous compreniez bien le sens de cette réponse ?   Cette réponse aurait-t-elle pu être la même en France et au Japon ?

Ryôsan : Je pense qu’il était question de quelque chose de plus profond qu’une simple sérénité intérieure, mais quoi, je ne sais pas.

Daniel : Quelle est votre principale inquiétude lorsque vous animez une sesshin en France ?

Ryôsan : Je n’ai aucune inquiétude pour animer la sesshin avec les participants français.

Daniel : Vous n’avez pas d’inquiétude d’être bien compris ?

Ryôsan : Vous dites que je viens animer la sesshin, mais moi, je me considère plutôt comme un participant à la sesshin. S’il y a quelque chose que les participants n’arrivent pas à comprendre, alors c’est qu’il me faut apprendre davantage pour m’améliorer.

Daniel : Ressentez-vous le besoin de laisser une empreinte de votre passage dans cette existence ?

Ryôsan : Je n’ai jamais vraiment réfléchi ainsi. Mais la sesshin à Saint Gervais, avec le Centre Assise, existe depuis longtemps. Eizan Rôshi dit lui-même qu’il n’y a pas beaucoup d’endroits où l’on peut continuer à pratiquer le zazen aussi longtemps, et en ce sens, je pense que ce serait bien si ça pouvait continuer encore.

Daniel : Ce serait donc votre empreinte pour le futur ? 

Ryôsan : Mais je pense qu’il n’est pas nécessaire que ce soit grâce à moi.

Daniel : La pratique du zazen, cette position assise dans laquelle, apparemment, nous ne faisons rien, a-t-elle, selon vous, une action sur le monde ? Lorsque quelqu’un pratique zazen avec son cœur, sa pratique aura-t-elle des répercutions, des conséquences dans le monde ?

Ryôsan : Une assise juste peut effectivement influencer de façon positive l’entourage du pratiquant. Mais je souhaite souligner qu’il est nécessaire d’être guidé dans la posture.

Daniel : Je vous remercie beaucoup.

La rencontre se poursuit avec les questions posées par les participants.

.

Mme Nicole Savigny-Kespi : Autrement dit, si nous ne sommes pas guidés, cela ne sert à rien de s’asseoir ?

Ryôsan : J’ai entendu parler de séances de zazen, non guidées. Les participants viennent pour s’asseoir entre eux, sans être guidé. Je ne veux pas dire pour autant qu’il faille toujours s’asseoir en compagnie d’un maître, ce n’est pas ça. Du moment que vous avez reçu les instructions d’un maître, vous faites zazen.

Mme Nicole Savigny-Kespi : Pour vous, que veut dire « guider » ?

Ryôsan : Dans le cadre du groupe d’Assise, Eizan Roshi a construit le fondement. Mais il y a parfois des occidentaux qui viennent au Japon pour y faire une expérience de quelques jours de zazen et qui, une fois revenus dans leur pays, y enseignent comme s’ils avaient compris le sens de zazen… 

Mme Nicole Savigny-Kespi : A Assise, nous avons donc « le fondement », nous bénéficions également de votre présence à nos côtés, une fois par an. Mais entre-temps, quel suivi pouvons-nous avoir ?

Ryôsan : Dans le cadre du groupe d’Assise, vous avez plusieurs personnes qui possèdent déjà un fondement solide.

Mr Thierry Vallier :  Cela signifie peut-être que le zazen ne peut pas être isolé. Le zazen fait véritablement partie d’un tout.

Ryôsan : C’est effectivement l’idéal. C’est ce que nous appelons le zazen vivant.

Mr Thierry Vallier :  J’ai deux précisions à vous demander : La première concerne ce que vous avez dit sur Jacques Breton. Il vous disait que le zazen permettait aux catholiques d’approfondir leur foi. Quand il vous a dit cela, comment l’avez-vous compris ?

Ryôsan : Je pense qu’à ce jour, ma compréhension de sa réponse n’est pas encore parfaite.

Mr Thierry Vallier :   Mais au-delà de votre compréhension imparfaite ? (rire)

Ryôsan : Par exemple, l’année dernière, à Saint Benoît, j’ai entendu quelqu’un parler d’une expérience de réalisation de l’unité avec Jésus Christ, alors j’ai pensé que peut-être c’était en rapport avec ce genre d’expérience.

Mr Thierry Vallier :  Et cette expérience d’unité pourrait-elle rejoindre quelque chose que l’on recherche dans le bouddhisme ?

Ryôsan :  Oui, dans le zazen, cette unité est réalisée avec l’univers tout entier.

Mr Thierry Vallier :  La seconde proposition est à propos de la question du chemin. Vous nous avez dit, avoir toujours pensé que vous seriez moine, à la suite de votre père. Daniel vous a demandé s’il vous était arrivé de penser à une autre voie possible. Et vous nous avez dit que si vous étiez né dans une autre famille, vous auriez pu faire autre chose. Nous, les occidentaux, sommes obsédés par l’idée que nous devons suivre notre chemin. Le chemin qui nous est propre. Il y aurait donc ce chemin tracé par le milieu familial, en l’occurrence le temple dans votre cas, et un autre chemin, très occidental, qui serait lui, dicté par le Soi, et exigerait par exemple de devenir pompier ou artiste, indépendamment de l’influence du milieu familial ou social.

Mme Yuko Murakami : La question est-elle de savoir si le vrai Soi, qui ne s’attache pas à l’ego ou au milieu familial, existe ou pas ?

Mr Thierry Vallier :  Quand j’étais adolescent, dans les années 70, on disait souvent, il faut que je me trouve, I got a find myself. Mais cinquante ans plus tard, j’ai le sentiment d’être sur un autre chemin, maintenant il faut que je me dessaisisse de ce moi-même que je cherchais à tout prix. Au fond, le bouddhisme nous dit : si vous voulez vous trouver vous-même, il faut vous dessaisir de vous-même. Ensuite se pose la question, quel est le chemin qui me permettra de me perdre moi-même ?

Ryôsan : Mais il n’y a pas de chemin (rire). Mais pourtant, si nous considérons que nous devons être persévérant et continuer nos efforts, encore et encore, alors oui, il y a un chemin.

Mme Nicole Savigny-Kespi : Je souhaite savoir quels sont les enseignements étudiés au monastère, quels sont les sutras ? Mahāyāna ou Theravada ?

Ryôsan : Nous pourrions dire, ni Mahāyāna, ni Theravada, dans le sens où au monastère ce qui prime, ce sont les entrainements basiques.

Mme Nicole Savigny-Kespi : Sans étude de textes classiques ?

Ryôsan : Non. Il s’agit uniquement de pratique. Mais une fois les entrainements au monastère terminés, c’est à chacun d’étudier. Il faut passer dix années à s’entrainer au monastère, pour comprendre ce que dit le Rôshi. Mais si l’on ne reste que deux ou trois ans, on ne peut pas véritablement comprendre ce qu’enseigne le Rôshi.

Daniel : Il s’agirait plus d’une compréhension du corps, plutôt que d’une compréhension intellectuelle ?

Ryôsan :  Oui, le zazen doit s’apprendre avec le corps.

Mr Thierry Vallier : L’année dernière je vous ai cité un passage du Genjo Koan de Dogen :

To study the buddha way is to study the self.

To study the self is to forget the self.

To forget the self is to be actualized by myriad things.

.

Etudier la voie du Bouddha, c’est étudier, le Moi.

Etudier le Moi, c’est oublier le Moi.

Oublier le Moi, c’est se réaliser parmi de tous les Etres qui nous entourent.

Nous retrouvons dans ce poème, en même temps, la question que posait Daniel (Est-ce que faire zazen produit un effet sur le monde qui nous entoure ?) et la question du rapport avec le soi, (le zazen c’est étudier le Soi en oubliant le Soi et en étant dans cette réciprocité avec tous les êtres).

Mme Nicole Savigny-Kespi : Cet apprentissage, qui se fait par fusion, par mimétisme, avec les maîtres et avec les membres de la Sangha, il n’est valable qu’à la condition d’être en permanence à leur contact. Alors qu’en France, on fait zazen, quelques heures par semaine … Est-ce que ça sert à quelque chose ?

Ryôsan : Ce que j’ai voulu dire, c’est qu’il est nécessaire de s’asseoir en ayant au préalable la conscience de ce qui est juste, même si le Maître n’est pas là.

Mr Thierry Vallier :  Il faut souligner aussi l’importance de la Sangha. On s’assoit ensemble. Et dans cette action de s’asseoir ensemble, c’est également une manière d’appartenir. Pour les chrétiens, il s’agit d’appartenir au corps du Christ. Mais aussi appartenir au corps du Bouddha, et dans cette appartenance au corps du Bouddha, il y a bien quelque chose qui nous conduit sur le chemin.

Ryôsan : Effectivement, c’est bien la même idée. Mais pendant l’assise bien évidemment nous n’y pensons pas.

Mme Nicole Savigny-Kespi : Ryôsan, avez-vous des questions à nous poser ?

Ryôsan : Oui, j’aimerais demander à chacun d’entre vous pourquoi avez-vous eu l’envie de faire zazen ?

Mr Robert Fenié : Moi je suis venu au zen tout d’abord pour me vider l’esprit. J’avais une tête trop pleine. Et à l’époque, j’avais un patron qui m’a emmené faire une sesshin de huit jours. Il m’a dit, tu n’as jamais entendu parler du zen ? Alors tu viens avec moi, si ça ne va pas, tu repars tout de suite et si tu es fait pour ça, tu restes.

Ensuite, lorsque j’ai fait la connaissance de Jacques Breton, je suis venu au Centre Assise, car je trouvais intéressante, cette liaison entre christianisme et bouddhisme.

J’avais beaucoup de mal à prier en Chrétien, avec les prières chrétiennes. J’étais plus attiré par le silence. Le zazen m’a donc ouvert un monde intérieur beaucoup plus vaste. J’étais un peu freiné par les textes. La méditation zen m’a beaucoup apporté. Il y a beaucoup de profondeur, certaines choses se passent indépendamment de ce que l’on attend, c’est toujours nouveau. La méditation est toujours aussi difficile, mais une fois que l’on a choisi cette voie, on ne peut plus en sortir.

Je souhaite dire aussi que Eizan Goto Rôshi m’a beaucoup apporté.

Ryôsan : J’aimerais poser la même question à tout un chacun. Mais je me rappelle de la première fois où je suis venu animer une sesshin en France. Il y avait dans le groupe une femme qui était venue pour faire zazen, mais qui auparavant, avait pratiqué un jeûne. Elle était en état de faiblesse et il était difficile pour elle de faire zazen. Cette femme m’a demandé de lui dire quelques mots pour l’encourager à continuer le zazen. Je lui ai donc posé, en toute simplicité, la question suivante : Pourquoi faites-vous zazen ? Il n’y avait aucune arrière-pensée dans ma question, mais elle m’a demandé ensuite : Est-ce un koan ? Elle n’est plus revenue ensuite. Maintenant, j’ai toujours une petite appréhension lorsque je pose cette question.

Mme Nicole Savigny-Kespi : C’est une longue histoire qui m’a conduit au zazen. C’est une quête de sens qui est passée par différentes étapes, dont la médecine chinoise. J’ai eu l’occasion de rencontrer le Père Claude Larre, un jésuite qui nous a enseigné le taoïsme. Pour moi cela a été une ouverture. J’ai donc voulu pratiquer cette voie taoïste.

J’ai demandé conseil à Kristofer Schipper, sinologue et maître taoïste à Taïwan. Il m’a répondu qu’il fallait tout d’abord parler parfaitement chinois et que pour le reste, cela se passait dans les bas-fonds de Taïwan et qu’il valait mieux ne plus y penser.

Ensuite, j’ai fait un petit détour par l’islam et le soufisme, mais ce n’était pas ma voie du tout. Pour moi, ce qui était le plus approchant de l’essence du taoïsme, c’était le zen. Alors j’ai couru dans le zendo de Maître Deshimaru (qui était déjà mort), je me suis assise sur un zafu, et j’ai senti que j’étais enfin chez moi.

Ensuite, grâce à un ami, j’ai connu Jacques Breton et surtout sa relation avec le Japon et les Rôshi au Japon. Je ne suis donc pas venue au zen par le christianisme mais par le taoïsme. Et je remercie beaucoup Eizan Rôshi d’avoir consolidé ma pratique.

Daniel : Ça ne fait que deux ans que j’ai rejoint le groupe d’Assise. Mais pourtant, la première fois que j’ai fait zazen c’était à l’adolescence, j’avais été troublé par la lecture des livres de Maître Deshimaru. Je m’essayais à la posture du zazen, seul dans ma chambre. 

Ryôsan : Depuis, vous avez toujours continué ? 

Daniel : Non absolument pas. Mais dans mon milieu familial et social, il s’agissait de choses trop étranges. Je ne vivais pas dans Paris et autour de nous, la culture japonaise était inexistante. Quelques années plus tard j’ai eu l’occasion de découvrir le monde des arts martiaux à Paris. J’étais loin du zazen, mais tout de même, les dojos m’évoquaient des ambiances qui nourrissaient mes fantasmes zen. J’ai ensuite, tout naturellement été conduit jusqu’au Japon pour y pratiquer les arts martiaux. Au total, j’ai consacré trente ans aux arts martiaux. Puis je me suis dit à moi-même, est-ce que c’est vraiment ça que je veux ?

J’ai pris la décision de tout arrêter. Et peu de temps après, j’ai entendu parler du Centre Assise. Lorsque je suis entré dans le zendo, j’ai compris que j’étais arrivé là où je voulais aller quarante ans plus tôt.

Mr Thierry Vallier :  Ce qui m’a amené vers le zazen. Une forme de prière, sans intention de prière. Une manière d’être présent, d’être là. Après, c’est plus compliqué (rire), l’Occident traverse aujourd’hui une sortie de la métaphysique de la permanence, qui le sous-tend depuis 2500 ans. D’où sa question : quand tout change, qu’est-ce qui ne change pas ?

Mais voilà que ce modèle est en crise sous les effets de transformations accélérées et d’une perte de confiance dans une idéologie du progrès qui les légitimait. La pensée bouddhiste, qui repose sur une métaphysique de l’impermanence, donne des pistes sur comment affronter cette crise. Le zen et le bouddhisme avancent l’idée que l’impermanence n’est pas une menace.

Donc, quand je suis assis sur mon coussin, au cœur de ce tourbillon, de ce changement permanent qu’est l’existence, j’expérimente quelque chose qui se rapproche de l’équanimité. Tout change, mais c’est cool.

Les participants remercient Ryôsan.

© Photos publiées avec l’aimable autorisation de Mme Savigny-Kespi (et avec l’accord de Ryôsan).

1 Ryôsan – 2 Eizan Roshi et Ryôsan – 3 Eizan Roshi et Ryôsan – 4 Ryôsan – 5 – Jacques Breton et Ryôsan – 6 Eizan Roshi et Ryôsan – 7 Ryôsan avec son père – 8 Le père de Ryôsan – 9 Eizan Roshi et groupe – 10 Eizan Roshi – 11 Ryôsan. 

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