Au printemps 2015, j’étais arrivé à un « tournant » dans mon travail d’interviews. Jusqu’alors, j’avais choisi de ne rencontrer que des artistes, de toutes disciplines, peu m’importait du moment que j’appréciais leur travail et que nous parlions des chemins du rêve. Puis, mon exigence a pris une autre forme, je me dirigeais à petit pas (mais sans vraiment en avoir conscience) vers des rencontres directement liées à des pratiques spirituelles. Peut-on dire que la poésie trouve sa place entre l’art et la prière ? C’est peut-être un peu vite résumé, mais quoiqu’il en soit, j’ai eu la chance, au bon moment, de rencontrer la poétesse japonaise REN YASHIO lors d’un de ses voyages à Paris, nous étions dans le quartier de Belleville, territoire idéal pour parler poésie.
Daniel : Dans quelle région du japon êtes-vous née ?
Ren Yashio : Je suis originaire de Nagano.
Daniel : Je souhaite savoir quel a été votre parcours, depuis l’enfance jusqu’à aujourd’hui, quel a été votre chemin pour arriver à l’écriture et à l’envie d’écrire ? Lorsque vous étiez à l’école, est-ce qu’il y avait déjà quelque indice qui pouvait faire penser à la vie qui est la votre aujourd’hui ?
Ren Yashio : A l’âge de 16 ans, j’ai eu l’occasion de lire la traduction japonaise d’un livre de poèmes d’Arthur Rimbaud et c’est probablement la rencontre avec ce livre qui m’aura donné l’envie d’écrire et de m’intéresser à la culture française.
Plus tard, en 2012, j’ai par hasard rencontré une française à Tokyo, Olfa Berhouma qui possède une connaissance profonde de l’art et de la littérature ainsi que des capacités linguistiques exceptionnelles. J’ai eu avec elle, cette chance formidable de pouvoir traduire mes poèmes en français. La confiance que cette traduction a fait naître en moi m’a donné la force de réaliser des performances poétiques au Japon et aussi en France. Je peux dire qu’Olfa m’a ouvert les portes du monde…. Notre rencontre a eu pour moi une importance immense.
Daniel : J’aimerais que vous remontiez plus loin dans votre souvenir, jusqu’à votre enfance…
Ren Yashio : Mon père écrivait des poèmes et son arrière grand-père écrivait des haïkus. Ma mère aimait lire aussi. Quand j’étais petite, surtout à l’adolescence, j’avais le sentiment d’être opprimée par mon père, il était exigeant, égoïste, nerveux. J’attendais de lui qu’il m’aime telle que j’étais, mais je n’ai pas pu recevoir cet amour que j’espérais. Je pense que cette oppression ajoutée à d’autres obsessions nées des relations humaines ont investi petit à petit mon inconscient mais finalement ces énergies chaotiques m’ont permis de trouver ma poésie.
Peut-être que j’ai enfermé cette envie d’amour au fond de moi. Jusqu’à ce que je rencontre l’écriture de Rimbaud qui a fait exploser ce que je portais caché en moi.
Pour moi, le réveil est arrivé par ce livre de Rimbaud.
Daniel : Votre famille avait-elle imaginé pour vous une autre vie ?
Ren Yashio : Comme je l’ai déjà dit, mon père écrivait des poèmes et lorsque j’ai découvert Rimbaud il était satisfait.
Je ne parle pas de poésie (de ma poésie) avec ma famille. Ma famille me soutient à sa manière, mais écrire de la poésie est un travail solitaire.
Daniel : Je suis intéressé dans ma recherche par le rapport qui existe entre l’individu et la grande ville. Que ce soit Tokyo, Yokohama où vous résidez ou même Paris, j’aimerais savoir comment la ville influence votre écriture ? Est-ce que pour vous Tokyo est une ville poétique ?
Ren Yashio : Oui et non (rires). Je pense que beaucoup de gens créatifs ressentent surtout le besoin d’un ailleurs, n’importe où. Dans un sens Tokyo est une ville poétique pour moi parce qu’elle m’oblige à l’introspection et m’inspire plutôt ironiquement. (rires)
Daniel : Mais n’est-ce pas cela qui justement peut aider à la création et à l’écriture si cette ville vous dérange ? Vous promenez-vous souvent dans les rues de Tokyo ?
Ren Yashio : Non je ne me promène pas beaucoup. C’est plutôt à la maison que je rêve. Mais en tout cas, je préfère vivre dans une grande ville. Il peut m’arriver d’y rencontrer des gens intéressants. Je n’aime pas beaucoup la relation humaine rurale.
Daniel : Mais peut-on vraiment rêver à partir de rien ? Il est nécessaire d’avoir un matériau…
Ren Yashio : Ce que je veux dire, c’est que je veux toujours rechercher par moi-même le sens du beau, même si je suis ballottée par la société.
Plusieurs êtres vivent en nous, je le pense. Dans mon cas, Il y a moi qui écrit de la poésie, qui vit cet univers poétique, il y a cet autre moi qui exécute les tâches du quotidien, et il y a moi que je ne connais pas encore, etc.
Daniel : Est-ce facile de vivre si plusieurs personnes cohabitent en nous ?
Ren Yashio : Non, je pense que ce n’est pas facile. (rires) Albert Camus disait que créer, c’est vivre deux fois. Certaines personnes peuvent vivre plusieurs personnalités et ainsi avoir plusieurs regards sur le monde, c’est mon cas. Je suis heureuse de ma vie normale mais il y a tout de même autre chose au fond de moi et je pense que nous vivons des instants présents dans différentes dimensions, en même temps, même si nous n’avons pas consience de cela.
Je ne saurais dire pourquoi mon corps ne réagit pas aux choses trop bien ordonnées et trop parfaites. N’est-il pas possible de fouiller en soi sans être déjà corps physique, ai-je entendu dire. Enonçant ces mots, je trébuche. Puis je deviens dépendante de Ça. Pourquoi ai-je envie de dire que je comprends Ça ?
Envahie par la vague inquiétude de ne rien pouvoir surmonter, allant et venant dans un langage confus, je veux être stupéfaite par l’apparence de Ça. Serait-ce une bouffonnerie ou pas ? Qu’importe, trépignant d’une volonté pleine de contradictions, l’intuition me fait penser que « je suis au bout » et c’est bien la discipline que je cherche, je le pense.
Daniel : Qu’est-ce qui se cache derrière « Ça » ?
Ren Yashio : La force de la poésie dans mon existence.
Daniel : Votre vie normale c’est donc le quotidien. Ce qui me surprend c’est que votre vie quotidienne n’est pas une vie poétique… Je me trompe ?
Ren Yashio : Comment définir une vie poétique ? C’est difficile…
Daniel : Oui ce n’est pas simple de définir ce qu’est une vie poétique mais c’est justement ce qui m’intéresse.
Ce qui influence votre création vient tout de même de ce qu’il y a autour de vous, à l’extérieur de vous et aussi de votre vie quotidienne ?
Ren Yashio : Oui peut-être, mais j’ai le sentiment que la nuance est un peu différente. À dire vrai, je ne comprends pas beaucoup la limite entre ma vie quotidienne et ma vie intérieur. (rires).
Daniel : Pensez-vous que l’écriture poétique a le pouvoir de faire évoluer les pensées de vos lecteurs ? Lorsque je lis vos poèmes, vos mots amènent en moi des images, réveillent des questionnements, provoquent des réactions, et une fois que j’ai fini de lire je ne suis certainement plus le même…
Ren Yashio : Oui bien sûr, toute forme d’écriture amène des transformations chez celui qui lit.
Daniel : Mais est-ce bien là votre intention ? Est-ce que vous écrivez pour vous-même ou pour les autres ?
Ren Yashio : Au début, j’écrivais pour moi, maintenant je ne pense pas. Pourtant ce n’est pas pour les autres. Quelque chose dans mon subconscient me fait écrire.
Daniel : Avez-vous des retours de la part de vos lecteurs ou de vos auditeurs lorsque vous performez, vous disent-ils ce qu’ils ressentent en écoutant votre poésie ?
Ren Yashio : Des personnes me disent qu’ils ressentent dans mon écriture une certaine forme d’érotisme. Pourtant en ce moment je n’écris pas particulièrement de poèmes sur le thème de la sexualité. Pour moi, le langage lui-même est vif et très érotique.
Daniel : Ce qui vous anime pour écrire, est-ce identique à Paris comme à Tokyo ? La ville de Paris a t’elle plus d’influence sur votre inspiration ?
Ren Yashio : Oui, Je ressens beaucoup de choses lors de mes séjours à Paris, mais pourtant cela ne se transforme pas instantanément en mots. C’est seulement lorsque je reviens au Japon que je commence à écrire.
Daniel : Donc votre inspiration se nourrit bien des influences extérieures.
Ren Yashio : Vous avez raison, mais c’est un peu différent tout de même. Il s’agit de sensation réelle. Moi, est une personne qui ne se rend pas pleinement compte de sa vie sans poèsie, sans écrire. Je viens à Paris, mais je créé mon Paris à l’intérieur de moi, bien sûr le Paris actuel et réel m’intéresse aussi, mais c’est différent. Par exemple j’étudie la langue française, comme outil de communication c’est important, mais pourtant ce qui m’intéresse le plus ailleurs … Mon univers intellectuel est lié avec la langue française et l’univers de la littérature française (j’ignore pourquoi, mais aujourd’hui encore je reste toujours ensorcelée (rires) et j’aimerais supprimer la frontière qui existe entre ces trois choses. J’ai besoin d’unifier en moi tout cela.
Vous allez peut-être sourire mais pour moi la langue française et la littérature française agissent comme des fétiches ou bien comme des expériences prototypique littéraires. Tout cela reste contenu de manière excessive en moi alors il me faut l’exprimer, il faut que ça sorte.
Mes sentiments pour Paris ressemblent à une passion éperdue. J’ai tendance à me situer d’un côté de l’amour dans mon intérêt pour l’intelligence. Mon intelligence n’est pas stimulée sans amour. (rires)
Daniel : Depuis des années je travaille sur le même thème, et à ce point de la conversation je souhaite que nous en parlions. J’ai donné à ce thème le nom de « rêve unique« , ce nom a été donné pour un besoin pratique, mais nous pourrions tout aussi bien le nommer différemment, le nom n’a pas d’importance. A vous entendre parler de « fétiche » je me dis que peut-être nous parlons de la même chose, du même concept. Pensez-vous que chaque personne possède au fond de soi un rêve unique, c’est à dire une chose à réaliser au cours de sa vie, comme une mission ?
Ren Yashio : Je ne sais pas s’il s’agit d’un seul rêve en chacun d’entre nous… Je pense que les humains sont attachés à ce qui n’existe pas encore et c’est ainsi que toutes leurs pensées créent le monde.
Daniel : Chacun est attaché par des choses qui n’existent pas encore… Est-ce que ce sont des désirs finalement ?
Ren Yashio : Il y a beaucoup de sens au mot « désir »
Daniel : Mais à l’intérieur de tout cela, n’y a t’il pas quelque chose d’encore plus profond ? Ce que j’appelle le rêve, dont nous n’avons pas conscience, le rêve qui ne nous renvoie aucune image et qui justement n’éveille pas de désir.
Ren Yashio : Pensez-vous que le mot rêve que vous utilisez, ait le même sens que le mot fétiche auquel je suis attachée ou renvoie-t-il à un idéal que nous recherchons inconsciemment ?
Daniel : Je ne sais pas. Mais à mon oreille cela sonne pareillement… Vous avez parlé de la littérature française, de la langue française, de votre univers poétique et j’ai le sentiment que puisque tout cela vous anime, cela pourrait bien être votre rêve … Ce que j’appelle le rêve, il me semble, nous pousse vers l’avenir, et pourtant cela nous reste inaccessible, c’est trop loin de nous.
Ren Yashio : Est-ce que le rêve serait comme la notion de chaos ?
Daniel : Peut-être. Chez nous on parle souvent de « la petite voix intérieure« . Et cette petite voix, le plus souvent on ne l’entend pas. Quelque chose cherche à nous parler mais en nous il y a trop de bruits, c’est à dire trop de désirs.
Ren Yashio : Beaucoup de gens pensent que leurs désirs sont des rêves.
Daniel : Oui je le pense aussi mais alors, puisque nous sommes d’accord, j’aimerais avoir votre avis que cette question : pensez-vous que chaque personne, porte au fond d’elle un rêve unique bien caché à l’intérieur des désirs ?
Ren Yashio : Je pense que oui, mais le passage du temps a une grande influence sur tout cela. Ce qui nous semble superficiel peut changer avec le temps. Mais peut-être qu’il y a également tout au fond de nous quelque chose qui ne change pas. Ce n’est peut-être pas nous qui décidons de marcher vers le rêve mais une partie de notre inconscient qui nous pousse à marcher vers le rêve. Vous ne pensez pas ?
Daniel : C’est donc quelque chose qui nous oblige ? Dans ce cas avons-nous le choix ?
Ren Yashio : Si nous sommes conscient de notre rêve, nous pouvons choisir…
Daniel : C’est intéressant. Nous essayons de parler de quelque chose dont on ne peut pas parler alors c’est difficile.
Ren Yashio : C’est de la philosophie.
Daniel : Non je n’aime pas la philosophie. Je souhaite plutôt que tout cela reste très concret. D’ailleurs j’ai une autre question toute simple : dans la vie quotidienne quelle est selon vous la meilleure façon pour rester connecter avec l’intérieur de soi ?
Ren Yashio : Moi j’aurais plutôt tendance à être trop connectée vers l’intérieur. Et souvent je deviens rêveuse. (rires) Mais en tout cas, la philosophie, c’est plutôt ce qui rend ma façon de vivre plus clair.
Il y a des gens qui considèrent la vie quotidienne telle qu’elle se présente à eux comme une seule vie véritable, alors que d’autres comme les artistes, ne peuvent pas s’empêcher de rechercher une existence plus pleine, plus entière. Je le pense. Si nous sommes capable de vivre pleinement cette existence à notre manière alors nous pouvons conserver une connexion avec notre rêve. Il faut en quelque sorte sublimer le quotidien. En même temps, vivre la vie quotidienne et notre vie intérieure, c’est assez difficile tout de même.
Daniel : Ne pas séparer la vie quotidienne et la vie intérieure, c’est à dire créer un pont entre les deux ?
Ren Yashio : Enfin…je dirais qu’elles ne sont pas séparées originellement, donc le pont n’a pas de raison d’être. Ce que je veux dire, c’est que nous devons reprendre conscience de notre état d’âme (sa connaissance, son langage et son corps) qui toujours bouge librement.
Daniel : Une dernière question : Dans votre écriture qu’est-ce que vous aimeriez changer ? Qu’est-ce que vous n’aimez pas ?
Ren Yashio : Je pourrais dire que c’est la totalité qui ne me satisfait pas. Ou du moins, même si rien ne me plait vraiment, je me dis que cette écriture c’est tout de même moi, telle que je suis aujourd’hui et ainsi cette insatisfaction reste positive.
Daniel : Merci beaucoup.
L’interview de Mme REN YASHIO a été réalisée en mai 2015 dans le quartier de Belleville avec la collaboration de Mme SACHIKO ISHIKAWA.
ダニエル お生まれは日本のどちらですか?
八潮れん 長野県長野市です。
ダニエル あなたの幼年期から今までのことをお聞きしたいのですが。書くまでの道のりはどのようでしたか? 学生の頃すでに今日のご自分の生き方を彷彿させる何かの兆しはあったのでしょうか?
八潮れん 16歳のときランボーの詩集を翻訳で読んだこと、その出会いが書くことへの願望やフランス文化への興味をもたらしたのだと思います。
その後2012年に語学が堪能で美術や文学に造詣の深いフランス人女性オルファ・べ
ル―マと偶然東京で出会い、彼女と一緒に自作の仏訳をするという素晴らしい機会に恵まれました。翻訳を得た自信は私に日本やフランスで詩的パフォーマンスを行うという行動力を与えてくれました。オルファが世界を広げてくれたと言えるのです。彼女との出会いは絶大でした。
ダニエル もっとさかのぼって、幼いころのお話をお聞きしたいのですが……
八潮れん 父は詩を書いていて、父の曽祖父は俳句をやっていました。母も本好きでした。少女の頃、特に十代の頃は、気難しくエゴイストで神経質な父に抑圧されていると感じていましたね。あるがままの自分を愛してほしかったのですが、叶いませんでした。その抑圧は様々な人間関係からの強迫観念とともに、私の無意識に降り積もっていき、その混沌としたエネルギーがついにポエジーを見出すに至ったと私には思えるのです。
たぶん深部に愛への渇望を封じ込めてしまったのでしょう。内に秘めたものを激しく表出させることとなるランボーの詩との出会いまで。
私にとって自我の目覚めはランボーの詩集だったのです。
ダニエル ご家族はあなたの新たな生き方を想像していたでしょうか?
八潮れん さきほど述べたように父は詩を書いていたので、私がランボーに出会ったことを喜んでくれました。
私は詩のことについて家族とは話をしません。家族は私をそれなりに支えてくれましたが、詩作は独りでする作業ですからね。
ダニエル 私は個人と大都市との関係についてとても興味があります。東京であれ、あなたが今住んでいる横浜、あるいはパリであれ、どのようにその街があなたの表現に影響を与えているでしょうか? 東京はあなたにとって詩的な街ですか?
八潮れん そうであるともないとも言えます。思うに創造的なものを目指す人の多くはここでないどこかを常に求めているのではないでしょうか。 ある意味東京は私にとって詩的な街です、なぜなら私に内省を強いるし、皮肉に私を触発してくれるからです。(笑)
ダニエル しかしその街があなたを混乱させるとしても、創作や表現の役に立っているのではありませんか? あなたはよく東京の街角を散策されますか?
八潮れん いいえあまりしませんね。どちらかというと家で夢想している。(笑) でもとにかく都会の方が好きです。面白い人たちに出会えることもあるし。田舎の人間関係はあまり好きじゃないのです。
ダニエル ですがなにもないところから本当に夢想することができるのでしょうか?なにか素材が必要です……
八潮れん 私が言いたいのは、社会に翻弄されながらも自分の美学を探求していきたいということです。
私たちの中には幾つもの存在があると思うのです。私の場合なら、詩作する者、その詩的世界を生きる者、日常の務めを果たす者、あるいはまだ見知らぬ自分などなど。
ダニエル もし私たちの内面で幾人もの人格が共存しているのであれば、それを生きることは容易いのでしょうか?
八潮れん いいえ、簡単ではないと思います。アルベール・カミュは創作することは2度生きることだと言っています。ある種の人たちにとっては複数の人物を生きることができるのです。私の場合は、そうすることで世界に対して様々な眼差しを持つことができる。当たり前の暮らしがあることはありがたいです、ですがともかくも私の奥底には何者かがいるのです。私たちは違う次元をその時々同時に生きているだと思っています、たとえ意識できなくても。
なぜだかわからないのですが、私は整然とした、とても完璧なものと思われるものには体が反応しないのです。生身の体なしにはその本質も探ることはできないなどと、聞いたような台詞を吐きながら突起物につまずく。でソレに依存していく。なぜ私はソレがわかると言いたいのか?
とうてい克服できないという漠とした思いにかられて、濁った言語を行きつつ戻りつつしながら、ソレの気配に蒼然としてみたくなります。茶番だろうがなんだろうが、そんなことはどうでもよくなって、意志は矛盾に満ちて動き回り、「果たせた」と思わせる瞬間の体験に私は秩序を求めている、そう思うのです。
ダニエル 「ソレ」の背後に隠されているものはなんですか?
八潮れん 私の存在の中にある詩の力です。
ダニエル あなたの通常の生活はつまり日常にあるのですよね。私が驚くのはあなたの日常生活は詩的ではないというところなのです。違いますか?
八潮れん 詩的な生き方をどのように定義なさいますか? 難しいです。
ダニエル そうですね、定義は簡単ではありません。でもそれこそが私の関心事なのです。
あなたの創作に影響を及ぼすものはやはりあなたの周りにあるもの、外側や日常からやってくるものでは?
八潮れん そうかもしれませんが、でもちょっとニュアンスが違う気がします。本当を言えば、日常と内面生活の境が分からない。(笑)
ダニエル 詩のエクリテュールには読みことへの思いを広げていく力があると思いますか? あなたの詩を読むと、その言葉は私の中に様々なイメージを運んできます、様々なものが提起され、様々な反応を引き起こし、問いを投げかけます。読んだ後と読む前の自分とは確実に違っている。
八潮れん 本当にそうですね。すべてのエクリテュールの形は読む人に様々な変化をもたらします。
ダニエル それがあなたの意図するところですか? あなたはご自分に向けて書いている、それとも他の人に向けて?
八潮れん 初めは自分でしたが、今はそう思っていません。でも他の人に向けてというのではないのです。私の無意識において何かに書かされているというか。
ダニエル 朗読やパフォーマンスに集まった人たちの話をしましょうか、あなたの朗読を聞いての彼らの感想は?
八潮れん ある種のエロティスムがあると言われます。といっても今は特別に性的なテーマで書いているわけではありません。私にとっては言葉そのものが生命力に満ちたエロティックなものなのです。
ダニエル 書くことであなたを息づかせる、それは東京同様、パリでも? パリの街はあなたのインスピレーションに多くの影響を及ばしているでしょうか?
八潮れん はい、滞在中はたくさんのことを様々に感じます。ただすぐには言葉にならないですね。 書き始めるのは帰国してからです。
ダニエル つまりあなたのインスピレーションは外側の影響で培われているということになります。
八潮れん そうですね、あなたの言うとおりです。でもそれでもちょっと違うのです。リアリティーの問題ですね。私は詩情を感じたり、詩作をしていないと生きている実感が持てませんから。私はパリに来ていますけれど、内面に私のパリを創っている。勿論今の、実際のパリにも関心はありますが、それとは違う。例えば私はフランス語をコミュニケーションの道具として学んでいます。それは大事なことです。でも私の興味はもっと違うところであります。私の知的世界はフランス語やフランス文学につながっていて(なぜだかわからないのですが、今でもまだそれに取り憑かれたままです。笑) これらの境界を失くして私の中で1つにする必要があったのですね。
笑われるかもしれませんが、私にとってフランス語やフランス文学はフェティッシュのようなもの、あるいは文学の原体験のようなものなのです。それはとても強く内包されていたので、表現する必要が、外に出す必要があったのです。
パリに対しての私の思いは激しい恋情にも似ています。私の知への興味はいつも愛に偏りがち。愛がないと知も刺激されないからです。(笑)
ダニエル さて数年前から同じテーマでやってきて、ここでぜひそのことについて話し合ってみたいのですが。私はそのテーマを「かけがえのない夢」と名付けましたが、便宜上そうしたまでで、別の言い方でもまったく構いません。名称は大したことではありません。 あなたがフェティッシュと言われたのを聞いて、私たちはもしかして同じこと、同じコンセプトで話しをしているのでないかと思ったのです。あなたは人は各々心の底に「かけがえのない夢」つまり使命のように、人生の課題をやりとげるべき何かをもっていると思いますか?
八潮れん それがただ1つだけの夢という意味なのかどうか分かりませんが、人は自分にはまだ現れていない物事に強く執着し、そういう思考が各々の世界を創っていると私は思うのです。
ダニエル まだ現れていないものに執着する……それはつまり欲望ということですか?
八潮れん 欲望にはいろんな意味がありますね。
ダニエル ただ深部にはもっとさらに本質的な何かがあるのでは? 私が夢と呼ぶのはこのことなのです、私たちの意識の及ばない、どんなイメージも投げ返さない、欲望も引き起こさないもの。
八潮れん あなたの使っている夢という言葉は私が先に言ったフェティッシュ、あるいは人が無意識に求めている理想のことだと考えられますか?
ダニエル わかりません。でもそうかもしれません。 あなたはフランス語やフランス文学、ご自分の詩的世界についてお話されました。それらすべてがあなたを生き生きさせているように思うし、あなたの「夢」であるのではないかと……私が夢と呼ぶのは未来向かって私たちを押しだすもの、決して到達できない、私たちからとても遠いところにある、そのようなものだと思える。
八潮れん 混沌という概念のようなものですか?
ダニエル おそらく。私たちはたびたび「内面のささやき」について話をしています。しかもそのささやきはほとんど聞くことがない。何かが私たちに話しかけようとしていても、私たちの内部は騒音、つまり欲望だらけ。
八潮れん 多くの人が欲望を夢だと思っている。
ダニエル ええ、そうですね。さてそれでは我々の見解が一致したところで、ご意見を伺いたいです、つまり人は各々欲望の内に隠された「かけがえのないの夢」をさらなる深部にもっているとお考えですか?
八潮れん はい、ただしそれには時の移り変わりが大きく作用するのでは。表面的と思われることは時間と共に変化していきますが、根底には変わらないものもある。夢に向かって歩こうとしているのは我々ではなく、夢に向かって我々を押しだす無意識なのかもしれません。どうでしょう?
ダニエル つまりそれは起こるべくして起こる何かですか? 私たちは自ら決定できないのでしょうか?
八潮れん その夢に自覚的になれば出来るでしょう。
ダニエル おもしろいですね。私たちは話し得ない難解なことを話そうとしている。
八潮れん 哲学ですね。
ダニエル いえ、哲学は好きではない。むしろすべてがきわめて具体的なままである方がいいです。それではもう一つとてもシンプルな質問を。日常生活において自分の内面と関わっていく最良の方法はなんでしょうか?
八潮れん 私はどちらかといえば関わりすぎてしまって。それでよく夢見がちになる。(笑) でもとにかく私にとって哲学は自分の生き方をよりクリア―にさせてくれます。
世の中には自分の目の前にある実生活が唯一本当の人生なのだと思っている人がいますが、 もっと密度の高い、妥協のない生き方を求めずにはいられない、例えば芸術家のような人たちもいます。もし私たちがその存在の全体を私たちなりに生きることができれば、「夢」と繋がり続けていけるでしょう。日常を純化するべきです。実人生と内面を同時にしっかり生きることです。かなり難しいことですが。
ダニエル 実人生と内面を分けない、つまり2つの間に橋をかけるということですか?
八潮れん というか、もともと別々ではないから、橋はあってないようものです。絶えず勝手に動いているその人の魂の在り方(意識、言語、身体)に自覚的になればいいということです。
ダニエル 最後の質問になりました。あなたのエクリテュールにおいて、今後何を変えてみたいですか? 今何が気にかかっているのでしょう?
八潮れん すべてが満足のいくものではないと言えます。ただともかく、たとえ本当に何も気に入らないとしても、このエクリテュールは今の私そのもの、ですからこの不満足はポジティブなものだと思っています。
ダニエル ありがとうございました。