C’est pendant l’été 2014 que j’ai eu l’honneur de rencontrer à Tokyo les célèbres danseurs butô, Seisaku, élève de Tatsumi Hijikata et Yuri Nagaoka, dont le style est plus proche de Kazuo Ohno.
Daniel : Je vais vous demander de remonter au fil de votre mémoire jusqu’à votre enfance… vous souvenez-vous d’un moment, même d’un tout petit moment qui aurait pu être annonciateur de cette vie qui est la vôtre aujourd’hui ?
Yuri : Lorsque j’étais enfant, à l’âge de sept ans, je créais des histoires que je mettais en scène avec ce que j’avais sous la main pour les présenter à mes parents sous forme de petits spectacles.
Seisaku : Moi enfant, je vivais dans un salon de coiffure, c’était chez moi. Parfois il y avait beaucoup de monde dans le salon avec les clients et les employés et je me souviens être sorti du salon, être monté au premier étage de la maison pour écouter le bruit que faisaient tout ces gens. J’entendais ces sons et moi j’étais en dehors, c’est la sensation que j’ai eu alors. C’était une sensation agréable pour moi.
Daniel : Pouvez-vous préciser quel est le lien entre ce souvenir et votre vie d’aujourd’hui ?
Seisaku : Il y avait le salon de coiffure et ceux qui s’y s’affairaient et puis moi qui me tenais à l’écart et tout en gardant ma sensation d’être seul, je pouvais participer aux mouvements du monde juste à côté. Je pouvais en quelque sorte être au même instant dans deux univers différents.
(Memory of sunshine) Photos© Makoto Onozuka
Daniel : Ces deux souvenirs que vous avez évoqué, étaient-ils si puissants, qu’ils ne vous ont pas laissé le choix d’avoir une autre vie ?
Yuri : J’étais plutôt timide lorsque j’étais enfant. Je communiquais difficilement avec les autres. Jusqu’au jour où ma mère, qui avant de se marier dansait dans des ballets modernes, m’a fait découvrir les théâtres, les spectacles et les danses folkloriques. C’est grâce à cette expérience que je me suis intéressée à la danse.
J’ai commencé à vaincre ma timidité en dansant, c’est à dire en jouant un personnage de danseuse. Je pouvais enfin devenir quelqu’un d’autre.
Daniel : Donc vous n’avez pas rencontrer d’obstacle de la part de vos parents, au choix d’une carrière artistique ?
Yuri : Non absolument pas. Ma mère aime les théâtres. Mon père a publié quelques romans et poèmes tout en gagnant sa vie comme acupuncteur. Alors ils comprennent l’art.
Daniel : Seisaku qu’en est-il pour vous ?
Seisaku : Depuis mon enfance j’ai grandi avec le sentiment que n’existe pas seulement le Monde réel mais qu’il existe aussi un autre Monde. J’observais le Monde et je sentais qu’il existait aussi un Monde au-delà des apparences… Je n’avais pas vraiment la possibilité de l’exprimer mais lorsque j’ai rencontré la danse butô j’ai pu enfin l’exprimer !
Daniel : Un autre Monde … C’est un thème qui m’intéresse beaucoup … D’une manière générale, pensez-vous qu’un artiste soit quelqu’un de plus libre que les autres ?
Seisaku : Cela dépend bien sûr de chaque artiste, mais en ce qui me concerne, la notion de liberté est un peu différente de la notion de liberté généralement admise. Moi je préfère choisir un chemin assez sévère et difficile. Ma liberté serait plutôt de marcher dans la direction la moins confortable.
Daniel : Vous avez besoin des obstacles…
Seisaku : Les situations difficiles permettent le plus souvent de découvrir en nous d’autres personnages et ça me plaît.
Daniel : D’autres personnages … Est-ce qu’on peut découvrir au fond de nous un nombre de personnages infini ? Cela n’a donc jamais de fin ?
Seisaku : C’est comme un labyrinthe, il y a beaucoup de chemins différents.
Daniel : Mais y a t’il un personnage central quelque part ?
Yuri : Si nous voulons continuer sur ce thème, il est nécessaire d’entrer dans la philosophie du butô.
Seisaku : Le principe du butô est de devenir vide. C’est cela que nous apprenons dans une école de danse butô. Si nous pouvons devenir vide alors d’autres personnages peuvent se manifester à travers nous.
Daniel : Devenir vide pour accueillir d’autres personnages… Devenir c’est donc ne pas retenir les choses, ne pas s’y accrocher…
Seisaku : Dans la philosophie du butô, devenir vide est très important. C’est primordial afin de pouvoir vivre dans ce Monde en harmonie avec les êtres qui y vivent, comme les éléments, les végétaux, les hommes … Si notre corps renferme et consolide sa propre conception du Monde, nous ne pouvons pas vraiment accueillir et comprendre le Monde. Dans le butô nous redevenons innocent. Il ne s’agit pas d’un effort intellectuel, nous retournons à l’état de débutant, avec les émotions d’un débutant.
Daniel : Yuri-San pensez-vous qu’un artiste soit plus libre que les autres personnes ?
Yuri : Dans la vie quotidienne ou dans la vie de l’esprit ?
Daniel : Ah, je ne fais pas de séparation …
Yuri : Cela dépend des gens évidemment. Lorsqu’un artiste ne peut pas gagner suffisamment d’argent pour vivre avec son art, il ne peut pas être libre. En ce qui me concerne, je pratique l’activité d’acupuncture et cela me permet par ailleurs de danser librement.
Daniel : Cela veut donc dire que la liberté est soumise à un confort matériel ?
Yuri : Tout dépend de ce que chacun est prêt à supporter. Si je peux payer mon loyer et acheter de quoi manger, en gros cela me suffit amplement, mais peut-être que d’autres auront besoin d’acheter une voiture, une maison etc…
(waiting for the moon) Photos © Makoto Onozuka
Daniel : Mais cela veut dire que la liberté est toujours en relation avec la vie matérielle.
Yuri : Je pense que oui.
Daniel : Mais avons-nous la même définition du mot liberté ? J’aimerais savoir pour vous deux qu’est-ce qu’une personne libre ?
Yuri : Si je pense que je suis libre, alors je suis déjà libre !
Daniel : Oui ça me va (rires).
Seisaku : Dans certains cas c’est nous-mêmes qui nous empêchons d’être libres !
Daniel : Lorsque vous dansez pour un public, quelle est votre intention ?
Yuri : Je souhaite que le public se rende compte qu’il existe un autre état d’être. C’est un Monde assez difficile à comprendre seul, mais grâce à la danse et à une expérience commune on peut y avoir accès. Je souhaite faire découvrir au public l’existence de cet autre Monde.
Seisaku : On pense généralement que les spectateurs regardent le danseur. Mais lorsque je danse moi aussi je regarde les spectateurs et si je suis suffisamment vide je peux dans ma danse me remplir du Monde autour de moi. Ma danse présente le Monde qui m’entoure.
Yuri : Le théâtre devient un seul corps, le danseur et le spectateur deviennent une partie de ce corps.
Daniel : Et les spectateurs sentent la même chose que vous ?
Seisaku : De manière inconsciente ils sentent la même chose.
Daniel : Dans la danse butô d’aujourd’hui qu’est-ce qui a changé par rapport à la danse butô des années 60-70 ?
Yuri : Aujourd’hui les styles se sont multipliés. Beaucoup de danseurs solitaires, beaucoup de professeurs développent leurs styles personnels, dans le monde du butô d’aujourd’hui il n’y a pas de consensus, pas de dialogue.
Daniel : Différentes formes mais y a t’il tout de même un esprit commun qui subsiste ?
Yuri : Il n’y a pas assez de compréhension…
Daniel : Aujourd’hui le butô se développe en Europe et bien sûr en France, mais qu’en est-il au Japon ?
Yuri : Au Japon le butô n’est pas populaire !! (rires)
Seisaku : A la différence des autres formes de danses, l’essence du butô est une représentation du vide. Le butô d’origine est en quelque sorte la danse du vide, une danse vide de toute forme. Ainsi personne ne pouvait répertorier différents styles de butô, c’est la grande différence avec ce qui se passe aujourd’hui. Ce qui était le plus important était la philosophie du butô.
Lorsque le danseur de butô se vide de lui-même, son corps devient un simple outil qui va présenter le Monde qui l’entoure. Le corps du danseur d’abord vidé de son importance, peut alors se remplir de l’atmosphère et des sentiments qui l’entourent. Le danseur lui-même n’est pas vraiment important dans la philosophie du butô.
Aujourd’hui beaucoup de danseurs aiment à montrer au public leur style particulier. C’est contraire à la philosophie du butô.
Daniel : Lorsque vous dansez, vous suivez une chorégraphie ou bien est-ce une improvisation ?
Yuri : Les deux ! Mais personnellement je préfère l’improvisation !
Daniel : Mais lorsque la danse est écrite, chorégraphiée, le danseur peut-il tout de même trouver sa liberté en dansant ?
Yuri : C’est lorsque je danse que je décide de mes mouvements, je fais confiance à ma danse pour trouver la meilleure direction.
Seisaku : Moi c’est un peu différent, j’aime suivre une chorégraphie mais ça ne m’empêche pas de la modifier quand j’en ressens le besoin.
Certains danseurs font de l’improvisation en essayant de ne penser à rien, mais leur danse devient vite répétitive, ils dansent à chaque fois en refaisant un peu la même chose. Ils ont leur façon de faire qu’ils répètent. Mais ils ne sont pas encore vides au sens du butô. Lorsqu’on est vide on ne peut pas développer un style.
Yuri : Il peut m’arriver de danser sur une chorégraphie, mais alors c’est plus fort que moi, je l’oublie. (rires)
Seisaku : Danser sur une chorégraphie est pour moi un exercice difficile, j’ai du mal à tout mémoriser, et je perds très vite confiance en moi, mais c’est un sentiment très important pour moi. Se sentir instable et faible est une très bonne chose dans la danse butô.
Daniel : Je comprends bien, mais cet état d’instabilité renferme t’il une peur ou une inquiétude ?
Seisaku : Il n’y a pas de pensée, donc l’inquiétude n’est pas dans la pensée. Mais il y a une inquiétude tout de même et elle n’est pas dans la tête. Désolé c’est difficile à exprimer avec les mots.
(Rires de tout le monde)
Seisaku : Lorsque la chorégraphie est difficile alors le corps devient très sensible. Le corps doit être capable de réagir instantanément, comme lorsqu’on met le feu à un papier, il brûle tout de suite, j’ai appris la danse butô avec cette image. Beaucoup de danseurs de butô conservent une certaine image du butô lorsqu’ils dansent. Il vaut mieux se séparer de l’image, renoncer à l’image. Il est nécessaire d’être conscient du corps et le laisser librement exprimer sa propre philosophie.
Daniel : Pensez-vous que chaque personne possède en elle un rêve à réaliser dans la vie ? Mais je veux parler d’un rêve unique, on pourrait peut-être parler d’une mission, bien que je n’aime pas beaucoup ce mot.
Yuri : Je pense que oui. Mais pour trouver le chemin de ce rêve il faut avoir un corps qui soit capable de réagir et d’écouter. Le problème est que depuis la naissance l’individu a du s’adapter à la société et s’est vu imposer beaucoup de limites. Il faut savoir supprimer ces limites.
Daniel : Une dernière question : Si nous désirions faire un exercice très simple qui nous permette de nous approcher de notre rêve, quel pourrait-il être ? Est-il possible de trouver pour nous tous, que nous soyons artiste ou pas artiste, un exercice très simple à faire tous ensemble, pour nous rapprocher de nos rêves ?
Yuri : D’abord se détendre et aussi sourire.
Daniel : Sourire… oui, c’est peut-être le plus simple.
Il me semble qu’après avoir vu un spectacle de butô, chaque spectateur doit emporter quelque chose au fond de son cœur ou dans sa pensée, quelque chose qu’il peut offrir à son tour à ses amis ou à sa famille, mais quelle est cette chose ?
Yuri : Avant toute chose c’est une énergie positive.
Seisaku : Pour moi après avoir assisté à un spectacle de danse butô, ce que le spectateur emporte avec lui, c’est la conscience qu’il possède un corps qui est vivant, que son corps est capable de s’exprimer et qu’il a des choses à dire. Un sentiment de libération du corps, c’est cela que le spectateur reçoit en cadeau. Personnellement c’est cela que je veux offrir avec ma danse.
Je souhaite insister sur le fait que la danse butô n’est surtout pas une danse spéciale, c’est plutôt la danse du mouvement naturel, tel que l’on peut l’observer tous les jours dans la vie quotidienne. Par exemple lorsque nous regardons une peinture que nous aimons, notre corps se vide, nous sommes en entier dans l’acte de regarder la peinture. Notre cœur et notre corps deviennent la peinture. Ainsi chaque personne pratique sans le savoir le butô.
Cette interview a été réalisée à Ikebukuro dans la brasserie Belge du théâtre National. Les photos publiées dans cet article le sont avec l’accord des artistes. Interprétation et traduction japonaise : Miki IIDA. (Photo d’ouverture : © Award ceremony of Japan dance critic association).
ダニエル:子供のころの記憶の糸をたどってみて下さい。どんなささやかな瞬間でも構いません。今日のあなたの生き方の発端となったような出来事はありますか?
ゆり:私は7歳の時、自分でお芝居を創り、シーツで部屋を区切ったりして、両親の前でささやかな劇をしたことを覚えています。
正朔:私は実家が美容院だったんです。お店にはお客さんやお弟子さんや沢山の人達がいました。子供だからと外に出された時は2階に行き、美容院から聞こえる様々な音に耳を澄ましていました。彼らはすぐ下で喧噪のただ中にいるけれど、自分はその音を一人聞いている、というのが当時抱いていた感覚です。私にとってそれはとても心地いい感覚だったんです。
ダニエル:その思い出と今日の生き方とがどのような関係があるのか、もう少し詳しく教えていただけませんか?
正朔:美容院があって、その中で忙しく働いている人たちがいて、私はすぐ近くにいながら一人床に耳をあててその音を聴いていました。床一枚をへだてて、私は隣の世界に参加しているような感覚でした。私が今居る静かな世界と喧噪があり、同じ瞬間に2つの世界を行ったり来たりしているような感覚だったんです。
ダニエル:子供時代の思い出は強力で、他の道を選ぶという選択肢はありませんでしたか?
ゆり:子供の頃私は引っ込み思案で、コミュニケーションをとるのが苦手だったんです。でも、結婚前にモダンバレエをやっていた母が、お芝居や民族舞踊などの様々な舞台に連れて行ってくれたお陰で舞台に興味を持ち、踊りをやってみたいと思いました。それから母がバレエをしてみたらと提案してくれ、引っ込み思案を克服できるようになったんです。ダンサーとして他の人物を演じることで、まさに自分も別人になれたというわけです。
ダニエル:ゆりさんはアーティストとしての道を歩むことについて、ご両親との確執はありましたか?
ゆり:全くありませんでした。母は前述の通り舞台好きですし、父も鍼灸師として生活していますが、詩や小説を書いて本も出していますから、芸術には理解があるんです。
ダニエル:正朔さんはいかがでしょうか?
正朔:私は子供の頃からずっと、目の前にある1つの世界だけでなく、今見ているものとは違う世界があるのでは、という感覚を抱いてきました。目の前の世界を見ながら、その見せかけの向こうにまた違う世界があるのではと・・・とはいえ、どう表現したらいいのかわからなかったのですが、舞踏に出会ってそれができるようになったんです。
ダニエル:もう1つの世界・・・とても興味深いですね。ところで一般的に、アーティストというのは他の人たちより自由だと思われますか?
正朔:それはもちろん各アーティストによると思いますが、私にとっての自由の概念は、一般的な概念とは少し違います。私はどちらかというと厳しくて困難な道を歩むのが好きなんです。私にとっての自由というのは一番厳しい道を進むことなんです。
ダニエル:それは困難が必要だということですか?
正朔:困難な状況が新たな自分を発見させてくれることが往々にしてあるものです。それが私の喜びなんです。
(memory of sunshine).Photo © Makoto Onozuka
ダニエル:別の自分ですか・・・我々は自身の奥に数えきれない他の人格を発見できるのでしょうか?終わりがないということでしょうか?
正朔:迷路みたいなものですね。沢山の道があるというわけです。
ダニエル:でもそのどこかに中心的人格というのがあるんでしょうか?
ゆり:このテーマについて深めていくなら舞踏の哲学を説明した方がよさそうですね。
正朔:舞踏の根源にあるのは身体を「空にする」ということです。舞踏の教室で学ぶことはまさにそれなんです。自分自身を空にすることができれば、私たちの身体を通して他の人物を表すことができるのです。
ダニエル:他の人物を表現するために空になる・・・それは何かに執着しないということですか?
正朔:舞踏の精神において空になることは非常に重要です。空になることはこの世界に生きるもの、例えば植物や人間たちと調和していくために一番大事なことなんです。もし私たちの身体が自分なりの世界観に凝り固まってしまっていたら、世界をきちんと受け入れて理解することはできません。舞踏において私たちは無垢な状態になります。これは知的な行為というより、初心者の状態、初めて出会う感動がある状態になることです。
ダニエル:ゆりさんはアーティストは他の人たちに比べてより自由だと思われますか?
ゆり:それは日常生活においてですか?それとも精神面ででしょうか?
ダニエル:特に分けてはいないんですが・・・
ゆり:それはもちろん人によると思います。アーティストが自身のアートで、生きていくのに充分なお金を稼げないとしたら、自由にはなれないと思います。私の場合は鍼灸師としての仕事があるので舞踏の方は自由に踊ることができるんです。
(orange ash) Photo © Makoto Onozuka
ダニエル:つまり、自由というのは物質的生活によるとうことですか?
ゆり:全ては価値観の問題で、各自がどれくらいで満たされていると思うかによるでしょう。私の場合は家賃が払え、食料が買えればまあ満足と言えますが、車や家を買う必要があるという人もいますしね。
ダニエル:でもそれは、自由というのはいつも物質的豊かさと関係があるということですね。
ゆり:そう思いますよ。
ダニエル:私たちの自由の定義は同じなんでしょうか?お二方は自由な人はどんな人だとイメージしていますか?
ゆり:自分が自分を自由だと思えばもうすでに自由なのよ!
ダニエル:その考えは素敵ですね(笑)
正朔:自分を不自由にしているのは自分自身だってこともよくあります。
ダニエル:お二人は観客の前で舞踏をする時、どんな意図で踊られるのですか?
ゆり:私は観客に、人間のまた違う在り方があるんだということに気づいてほしいと思っています。それは一人きりだと理解するのはなかなか難しいんですが、踊りや共有できる経験によって近づくことができる深い世界です。私は一般の人たちに、この豊かな世界の存在に気づいてもらう手伝いができたらと思っています。
正朔:一般的には観客がダンサーを見ていると思われがちですが、私が踊るときは私もまた観客を観ているのです。私がもし充分に空になっていれば、私の身体を私を観ている人たちの世界で観たし、踊りを通して彼ら自身を表現することができるのです。お客さんと1つの世界になったとき、彼らは私を観ているようで実は自分自身を眺めていることになるのです。
(coming home) Photo © Makoto Onozuka
ゆり:舞台全体が1つの身体となって、ダンサーと観客が身体の一部分になるわけです。
ダニエル:観客もお二人と同じことを感じているのでしょうか?
正朔:無意識の世界では同じことを感じているといえますね。だんだん呼吸がピタッと合ってくるんですよ。
ダニエル:ところで今日の舞踏は、60〜70年代の舞踏と比べて何か変わりましたか?
ゆり:現在では非常に様々なスタイルがあります。ソロのダンサーも多いですし、沢山の講師が個人的なスタイルを発展させています。今日の舞踏は、全体としてのコンセンサスもなければ特に対話もありません。
ダニエル:形は違うとはいえ、まだ共通している精神というのはあるのでは?
ゆり:残念ながらあまり理解はないですね・・・
ダニエル:今日舞踏はヨーロッパで発展をとげ、もちろんフランスでも評価されていますが日本ではいかがですか?
ゆり:日本では舞踏は人気ないですよ(笑)。
正朔:他のダンスと舞踏の大きな違いは、舞踏の本質が空の表現だということです。もともとの舞踏は空の踊りのようなもので、様々なスタイルの踊りでした。だから誰も舞踏の多様なスタイルをリストアップできなかったんです。これが今日との大きな違いです。一番大切なのは舞踏の精神だったのです。舞踏のダンサーが自身を空にできたとき、彼の身体は周りの世界を映し出す1つの手段となります。自身の重要性を空にした身体は、彼のまわりの雰囲気や感情を表す媒体となるのです。舞踏の精神においてはダンサー自身というのはあまり重要ではないのです。今日では多くのダンサーが、彼ら独自のスタイルを観客に見せるのを好んでいますが、それは舞踏の哲学とは対極にあるもの
です。
ダニエル:お二方が踊られるときは、振り付けにそって踊るんですか?それとも即興でしょうか?
ゆり:2つともありますよ。でも個人的には即興の方が好きです。
ダニエル:踊りが始めから決まっていても、踊り手は踊りに自由を見いだせるものですか?
ゆり:私は踊りながら次の自分の動きを決めています。その方が一番いい踊りを見出すことができるという自信があるからです。
正朔:私の場合はちょっと違います。私は実は振り付けに沿う方が好きなんですが、必要を感じたときは修正します。何も考えないようにして即興するダンサーもいますが、そうしたダンスは次第に似たようなパターンの踊りになりがちです。彼らは毎回同じようなことを繰り返しながら踊っているのです。でも彼らは舞踏の意味では空になっているとはいえません。自分が空の状態ではスタイルを形成しえないからです。
ゆり:私は振り付けで踊ることもありますが、つい忘れてしまうんです(笑)
(waiting for the moon) Photo © Makoto Onozuka
正朔:私にとって振り付けで踊るというのはとても難しい練習です。全部を覚えるのが大変なんです。そしてすぐ自分に対する自信を失います。でもそれは私にとって大切な感覚です。舞踏においては不安定で感じやすくなるのがとても大事なことなんです。
ダニエル:よくわかります。でもその不安定な状態には恐れや不安はないのですか?
正朔:考えがないので、不安というのも考えの中にありません。というものの、不安はありますが、頭の中にではないんです。すみません、言葉にするのが難しくて。
全員:笑
正朔:振り付けが難しいと身体はとても敏感になるものです。身体は即座に反応できる状態でなくてはなりません。例えば紙に火が着いた時、たちまちボッと燃えるでしょう。こういうイメージで舞踏というものを学んだんです。踊る時、何らかの舞踏のイメージを抱いて踊る舞踏家が沢山いますが、イメージから離れ、イメージを手放した方がいいんです。身体に意識を傾け、身体自身の観念を自由に表現させるんです。
ダニエル:お二人は、人は人生において実現すべき1つの夢というのがあると思われますか?使命という言葉はあまり好きではないんですが、ただ1つだけの夢、天命といいますか・・・
ゆり:あると思います。でもその道を見つけるためには反応ができ、耳を傾けることのできる鋭敏な身体が必要です。けれども誰もが生まれてから社会に適応していくために、身体に沢山の制限をかけているのが問題なんです。こうしたリミットを取り除くことで、本当の自分の感性を開くことができるのです。
ダニエル:これが最後の質問です。もし私たちが夢に近づくことのできる非常に簡単なエクササイズをするとしたら、どんなことができるでしょう?街を歩いている人たち、アーティストであってもなくても、誰にでもできるような、夢に近づくためのエクササイズはあると思われますか?
ゆり:まずリラックスして笑うことね。
ダニエル:笑うこと・・・おそれくそれが一番シンプルなものですね。
舞踏の舞台を観たあと、観客一人一人が自分の心の奥や頭の中に、友人や家族に語る何かを持ち帰るべきだと思うのですが、それは一体何だと思われますか?
ゆり:良くも悪くも違和感だと思います。なんだか分からないけど気持ちが悪い、あるいは気持ちが良いでもいいのです。普段自分を覆っている殻に穴が開いてそこから奇妙な感情なり感覚なりが連なって出てくる。それは一体何かを考えることで観客の方々が新たな世界を見出すことを願っています。
正朔:私にとっては、舞踏の舞台を観た後持ち帰るものというのは、自分も生きていて自己表現でき、何か言うべきことのある身体を持っているのだ、と気付くことだと思います。身体が自由になった、身体が喜んでいるという感覚、それが観客が最後に受け取るものではないでしょうか。私としては自分の踊りでそれを提供したいと思っています。私は舞踏というのは特別な踊りではなく、自然な動きを表現したもの、日々の生活においてみることのできる動きなのだと主張したいのです。例えば好きな絵画に見入っている時、私たちの身体は空になり、自分全体が「観る」という行為になっているのです。私たちの身体も「その絵になっている」状態なのです。つまり普通の人は舞踏を知らずに普段からそういう動きをしているというわけです。