CABU AU JAPON

Comme la vie est facétieuse. Il y a bien des années, j’avais déjà acheté ce livre « CABU au Japon » et puis, me sentant trahi, j’étais dans ma période idéaliste, je l’avais boudé et finalement revendu. À l’époque je pensais qu’il y allait un peu fort dans ses moqueries. 

Donc, CABU au Japon. Avec un texte de Jean-Christophe TOURNEBISE (ouvrage publié en 1993). Aujourd’hui je pense que ce livre est précieux. Les dizaines de dessins réalisés par CABU dans les rues du Japon ont parfois la dent dure mais ils sont aussi le résultat de fines observations avec quelques touches de délicatesse.  

Extraits de l’intro :

« Chez le visiteur occidental qui s’y rend la première fois, la vision du Japon déclenche généralement un sentiment de ravissement ébloui. En effet, comment ne pas demeurer muet d’admiration devant ces cités ultramodernes où tout marche si bien et où les habitants sont si polis, devant ces champs de riz si propres et si nets, devant ce spectacle hors du commun d’une population besogneuse et souriante ? Assurément, la surprise est salutaire. On gagne à découvrir le Japon. »

« La lune de miel avec le Japon peut perdurer. Il est d’ailleurs des Occidentaux qui en demeurent des enthousiastes transis leur vie entière. Les méchantes langues, envieuses sûrement, les qualifient de « tatamisés ». C’est-à-dire plus japonais que les Japonais. »

« Pour beaucoup de voyageurs impénitents, d’hommes d’affaires habitués ou de résidents étrangers endurcis, un jour vient cependant où le charme se rompt. peu à peu, les Japonais se révèlent sous un jour différent, moins flatteur assurément, plus réel indubitablement. Ce jour-là, les sourires que l’on vous fait ne vous semblent plus que rites obligés, et les courbettes, un cérémonial quelque peu compassé. En même temps vous apparaissent en pleine lumière des travers insaisissables au premier regard. Les Japonais vous semblent alors introvertis, impénétrables, sans chaleur, incapables de spontanéité : voici les imprécations qui sont le plus souvent lancées. Sont-elles méritées ?

Dans les moments d’exaspération intense, lorsque l’envie vous prend de plaquer là ce pays et de naviguer sans délai vers d’autres cieux plus cléments, vous vous dites que les Esquimaux sont probablement des Méridionaux torrides par comparaison avec la froideur distante de ces insulaires. A les regarder vivre au petit matin, coincés à cent personnes au centimètre carré dans les trains de banlieue sur le chemin de leur bureau, l’œil légèrement vide rivé sur une bande dessinée inepte que jetterait avec dégoût un enfant de dix ans normalement constitué, vous seriez tentés de penser que les robots japonais sont bien plus humains que ces humains qui les ont créés. »

« La période de rejet peut se prolonger quelques années. Il arrive que l’on n’en revienne jamais. Ceux-là soutiennent que, dans ses avanies, Edith Cresson était très en deçà de l’ignoble réalité. Mais à cette déprime exagérée succède généralement une troisième phase, plus sereine et plus durable celle-là, bâtie tout à la fois sur l’amour et sur la haine. Car, en tout état de cause, il faut bien l’admettre : il est totalement impossible de rester indifférent à l’égard du Japon. Ce sont donc ces chanceux qui apprécient le mieux le pays du Soleil-Levant. »

 

CABU AU JAPON – Dessins de CABU et textes de Jean-Christophe TOURNEBISE aux Editions du Seuil. Dans la collection l’Histoire Immédiate.

   

Une réflexion sur “CABU AU JAPON

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