CIORAN – ON NE PEUT VIVRE QU’À PARIS

« Dites que l’univers n’a aucun sens, vous ne fâcherez personne – mais affirmez la même chose d’un individu, il ne manquera pas de protester, et ira jusqu’à prendre des mesures contre vous.

Nous sommes tous ainsi : dès qu’il s’agit d’un principe général, nous nous mettons hors de cause et n’avons aucune gêne à nous ériger en exception. Si l’univers n’a pas de sens, y a-t-il quelqu’un qui échappe à la malédiction de cette sentence ? Tout le secret de la vie se réduit à ceci : elle n’a aucun sens, chacun de nous, pourtant, lui en trouve. »

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L’EXTASE MATÉRIELLE #2 (J.M.G. LE CLÉZIO)

Conscience

L’action la plus terrible de l’esprit est peut-être cette fermeture : lorsque, abandonnant toute visée précise, le regard intérieur est tout entier tendu dans cet exploit unique, qui est d’être conscient de sa conscience. S’il est un acte parfait, stérilement et douloureusement parfait, c’est bien celui-là. L’esprit n’est plus qu’esprit, volonté forcenée d’être ce qu’il est ; tout ce qui flotte, tout ce qui est contingent, tout ce qui est richesse, parce qu’échange, parce que spectacle, parce que spectacle où on ne voit pas tout, où l’on ne peut pas tout connaître, tout cela a disparu. Du mouvement de la connaissance, il ne reste plus que l’acte, l’acte seul, fou à force d’être lucide, l’acte qui n’est plus qu’un moteur dont l’énergie n’est plus freinée. La communication est la vérité vivante de tout ce que nous sommes. Le monde, la réalité, les pensées, les mots sont des transferts. Que cesse l’échange, que s’arrête le commerce avec l’«externe», et voici l’abomination et l’impuissance.

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LA RÉVOLUTION D’UN SEUL BRIN DE PAILLE (MASANOBU FUKUOKA)

Ce soir j’ai exhumé un petit chef d’œuvre des rayons de ma bibliothèque. Le livre m’a attiré l’œil. Je l’ai reconnu. Et c’est avec un plaisir immense que j’ai retrouvé cet ami un peu oublié depuis une vingtaine d’années (déjà). Je l’avais acheté au début des années 90 dans ce merveilleux restaurant/librairie qui s’appelait Le bol en bois rue Pascal à Paris, aux pieds de la rue Mouffetard. Ceux qui comme moi ont connu Le bol en bois ne l’oublieront jamais. Ce lieu était pour beaucoup plus qu’un simple restaurant, une île au milieu du monde.   Il y avait aussi sur le trottoir d’en face l’épicerie du bol en boisNous y venions pour acheter des céréales et des légumes biologiques, nous y venions pour dîner de soupe miso, d’algues et de céréales complètes, le tout arrosé de thé vert sencha ou kukicha, l’ambiance y était douce, feutrée, presque solennelle lorsque les serveurs nous apportaient les bols que nous avions commandés. Mais c’est une époque révolue.

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ÉLOGE DE L’INSÉCURITÉ (ALAN W. WATTS)

Il doit être évident, dès le départ, qu’il y a une contradiction à vouloir se trouver en parfaite sécurité dans un univers dont la vraie nature est le caractère passager des choses et la fluidité. Mais la contradiction est un peu plus profonde que le simple conflit entre le désir de sécurité et le fait du changement. Si je veux être en sécurité, c’est-à-dire protégé du flux de la vie, je veux être séparé de la vie. Néanmoins, c’est ce véritable sentiment de séparation qui m’empêche de me sentir en sécurité. Être en sécurité signifie isoler et fortifier le « je », mais c’est justement la sensation d’être un « je » isolé qui me fait me sentir seul et m’effraye. En d’autres termes, plus je serai en sécurité, plus j’en aurai besoin. (Extrait)

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Yonaiyama Akihiro (French / Japanese version)

J’ai une tendresse particulière pour cette interview réalisée en 2007. J’avais eu la chance d’être présenté à Monsieur Yonaiyama à la fin d’un de ses spectacles joué dans un grand théâtre près de Tokyo. Je me souviens encore très nettement de ce que j’ai pensé à ce moment précis : Je suis allé trop loin. La majesté du lieu, la perfection du show auquel j’avais assisté au milieu d’un public venu en nombre, et tous ces gens qui attendaient dans le grand hall d’entrée de pouvoir féliciter le metteur en scène. Je n’étais pas fier, loin de là, j’aurais bien pris mes jambes à mon cou, mais déjà l’assistante du metteur en scène me présentait au maître. Je ne sais plus ce que j’ai bredouillé lorsqu’il m’a demandé en quoi consistait mon projet. Mais le plus simplement du monde, un rendez-vous fut fixé pour une rencontre en privé. J’étais aux anges. 

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LA BRÈCHE (VLADIMIR MAKANINE)

Le chat hésite sur le seuil. Juste devant. Va-t-il entrer ou sortir ? Pas moyen de fermer. « Eh bien ? … Tu te décides ? » klioutcharev le presse par l’intonation de la voix, puis il claque la porte de l’appartement et descend rapidement, dépassant le chat qui bondit souplement de marche en marche. Il sort dans la rue.

La fin de son ami Pavlov lui revient à l’esprit. comment est-il mort ? Pour quelle raison ? … Il n’en sait rien. Deux cents personnes ont péri dans la foule, rien que sur le boulevard. La foule ne compte pas ses morts. (Mais Pavlov n’y était pas.)

Klioutcharev évite de penser au vide ambiant et aux habitants qui se terrent dans leurs appartements aux stores soigneusement baissés. Bien sûr, c’est un peu étrange de ne voir personne. Mais qui dit absence de gens dit absence de danger. L’air est tiède. Le soir tombe. Mais il ne fait pas encore nuit. La douceur du soi est chargée de menaces, comme si des coups de sifflets étaient sur le point de retentir, comme si la foule, où règne la loi du plus fort, allait soudain déferler avec son cortège de meurtres et de pillages. Cette sensation pénible est presque insurmontable. Cependant, la rue est déserte. Aucun bruit. Telle est la vie, dorénavant … Ces pensées craintives, ces subtiles pensées d’intellectuel défilent dans son esprit pendant qu’il marche.

En regardant la ville d’en haut à cette heure, on pourrait constater qu’elle est vide, pas une âme, pas une voiture ne circule (les véhicules garés au bord des trottoirs ne font que souligner l’immobilité générale). Les trottoirs sont dépeuplés. Quelqu’un, seul, marche au milieu d’une rue ; il porte un pull et un bonnet dont le pompon oscille à chaque pas. C’est notre ami Klioutcharev (légèrement vieilli ; ses tempes grisonnent déjà fortement. Mais il se défend encore. Un homme dans la force de l’âge).

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Mone Uchida (French / Japanese version)

Au cours de l’été 2014, en compagnie de Madame Miki Iida et de Jean-Michel Jarillot, nous avons eu l’occasion de rencontrer l’artiste peintre et calligraphe, Madame Mone Uchida près de Tokyo. je suis reconnaissant à Madame Uchida de m’avoir permis d’aborder librement avec elle, les thèmes qui m’intéressaient à l’époque. Et il me semble rétrospectivement,  que cet entretien est précieux parce que son témoignage est sincère et son expérience est rare.

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ÉCRIRE (MARGUERITE DURAS)

« C’est curieux un écrivain. C’est une contradiction et aussi un non-sens. Ecrire c’est aussi ne pas parler. C’est se taire. C’est hurler sans bruit. C’est reposant un écrivain, souvent, ça écoute beaucoup. Ça ne parle pas beaucoup par ce que c’est impossible de parler à quelqu’un d’un livre qu’on a écrit et surtout d’un livre qu’on est en train d’écrire. C’est impossible. C’est à l’opposé du cinéma, à l’opposé du théâtre, et autres spectacles. C’est à l’opposé de toutes les lectures. C’est le plus difficile de tout. C’est le pire. Parce qu’un livre c’est l’inconnu, c’est la nuit, c’est clos, c’est ça. C’est le livre qui avance, qui grandit, qui avance dans les directions qu’on croyait avoir explorées, qui avance vers sa propre destinée et celle de son auteur, alors anéanti par sa publication; sa séparation d’avec lui, le livre rêvé, comme l’enfant dernier-né, toujours le plus aimé. Un livre ouvert c’est aussi la nuit. Je ne sais pas pourquoi, ces mots que je viens de dire me font pleurer. » (Extrait)
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Ren Yashio (french / japanese version)

Au printemps 2015, j’étais arrivé à un « tournant » dans mon travail d’interviews. Jusqu’alors, j’avais choisi de ne rencontrer que des artistes, de toutes disciplines, peu m’importait du moment que j’appréciais leur travail et que nous parlions des chemins du rêve. Puis, mon exigence a pris une autre forme, je me dirigeais à petit pas (mais sans vraiment en avoir conscience) vers des rencontres directement liées à des pratiques spirituelles. Peut-on dire que la poésie trouve sa place entre l’art et la prière ? C’est peut-être un peu vite résumé, mais quoiqu’il en soit,  j’ai eu la chance, au bon moment,  de rencontrer la poétesse japonaise REN YASHIO lors d’un de ses voyages à Paris, nous étions dans le quartier de Belleville, territoire idéal pour parler poésie. 

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L’EXTASE MATÉRIELLE (J.M.G LE CLÉZIO)

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« Quand je serai mort, ces objets qui m’ont connu cesseront de me haïr. Quand ma vie en moi sera éteinte, quand j’éparpillerai enfin cette unité qui m’avait été donnée, alors le tourbillon changera de centre, et le monde retournera à son existence. Les affrontements du oui et du non, les tumultes, les rapides mouvements, les oppressions n’auront plus cours. Quand s’arrêtera le courant glacé et brûlant du regard, quand cessera de parler cette voix cachée qui simultanément affirmait et niait, quand tout ce vacarme hideux et douloureux se sera tu, le monde refermera simplement cette blessure, et étendra sa couche de nouvelle peau douce et calme. Il ne restera plus rien, pas une cicatrice, pas un souvenir pour me porter au-delà de ce que j’aurai été. Je ne voyagerai pas. Je ne continuerai pas à lacérer le tissu du réel, et l’impulsion de ma conscience sera oubliée d’un seul coup, comme si elle n’avait été qu’un couinement ridicule. La nappe dense et noire retombera d’un seul coup, et je ne le saurai même pas. Je ne suis pas fait pour vaincre. Je ne suis que le fil mince qui s’embrase sous le courant trop fort pour lui et qui se brûle en voulant éclairer les arêtes des choses. Et quand ce fil sera rompu, et que l’aveugle reprendra le monde, chaque objet continuera d’être ce qu’il avait été, sans que rien de mon regard ait pu le créer. Au-delà des années et des siècles, au-delà des distances réelles, au-delà de moi, ni avant, ni après, ni cause ni effet, mais jamais plus cet homme. J’ai déjà disparu dans mon impuissance. J’ai déjà renoncé dans mon inimaginable. Je suis déjà soustrait, arraché, promis au vide. Je suis déjà mort, oui, mort des millions de fois à chaque geste que je faisais pour être vivant. » (Extrait)

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LAME DE FOND

Tu l’entends mais tu ne l’écoutes pas.
Le son du bol.
Bois contre métal.

Est-ce que la vibration s’arrête au contour de mon corps ou est-ce qu’elle me traverse ? Je ne devrais pas y penser maintenant. Trop tard. Et si elle me traverse, s’en trouve-t-elle modifiée lorsqu’elle parvient jusqu’à mon voisin silencieux ? Si elle s’en trouve changée, alors est-ce un peu de moi qui traverse le corps de mon voisin silencieux ?

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DIALOGUE AVEC LA GRAVITÉ (USHIO AMAGATSU)

« Le corps est le support, l’assise même de la danse, avant même que celle-ci n’ait lieu, à proprement parler. Son émergence commence par son passage dans le ventre maternel. Telle une réminiscence de l’apparition de la vie dans les eaux de l’océan, il y a trois milliards d’années, la matrice est remplie de ces eaux primitives. La vie naît de la mer, aux temps archaïques comme au temps fœtal.

Un mois après la conception, en une semaine à peine, le corps évolue du poisson au batracien, puis du reptile au mammifère. En l’espace d’une semaine à peine, il aura rejoué la scène pathétique, qui dura en fait plusieurs dizaines de millions d’années durant la seconde moitié de l’ère paléozoïque, du débarquement des vertébrés sur les rives, battues par les vagues de l’océan, du continent. Dans sa formation, l’individu répète l’évolution de toute l’espèce ; il est la mémoire de la vie primitive et son devenir au cours de l’histoire de la Terre elle-même.

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LE VIDE ET LE PLEIN (NICOLAS BOUVIER)

Beaucoup de ceux qui font ici profession de connaître et d’aimer le Japon le trouvent triste. Quant à moi, la gaieté est une hormone que je ne secrète pas souvent et qui d’ailleurs ne m’intéresse que médiocrement – ce qui m’intéresse, c’est le bonheur dans l’acceptation et dans l’orgueil. Je trouve le Japon beau et creux, comme certains instruments à percussion pleins de race qu’on voit dans les musées d’ethnographie. Mais moi je connais fort bien ce creux central autour duquel je tourne.

Le Japon est doux aussi : de l’abandon et une lassitude bruyante dans les loisirs, de grosses lanternes qui n’éclairent qu’elles-mêmes, et pas mal de brume et de fumée et de résignation – tant de choses en dérivent. J’aime les moments privilégiés, les petites faces camuses et rongées des bouddhas o-jizo plantés tout de guingois dans les cimetières, et à ma façon je suis doux aussi. Et me voilà par un cheminement très naturel du sort en train d’écrire sur le Japon.

Une vie ingrate et des moments privilégiés, voilà le rythme. (Extrait)

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Kenichi Natsuya (french / japanese version)

Artiste et gentleman, Kenichi Natsuya imagine et fabrique des chapeaux sous le nom de Genjiro, ce nom lui a été donné par son Maître chapelier Madame Sou Kaoru qui lui a transmis son art et lui a enseigné, non seulement la technique mais aussi l’esprit des chapeaux. Si parfois ses activités de décorateur le poussent jusqu’à Tokyo, c’est bien dans sa paisible banlieue de Koshigaya que le soir, Kenichi aime à promener sa poésie… Et ses chapeaux. C’est une interview qui m’est précieuse. D’une part car elle s’est déroulée à l’occasion d’une nuit qui pour moi était irréelle, mais ça je l’ai déjà évoqué dans ce blog. A ce point irréelle qu’en revenant à paris, je me suis aperçu avec rage, que mon magnétophone n’avait enregistré que la moitié de l’interview. J’avais en effet oublié de pousser le bouton « enregistrement » tellement je planais. Bref, il a fallu renvoyer les questions par écrit à Kenichi, qui a gentiment accepté d’y répondre, lui aussi par écrit. Enfin, au terme de cette interview, Kenichi et moi sommes devenus amis et cette amitié dure toujours. A chacun de mes séjours à Tokyo, c’est avec un immense plaisir que nous aimons nous retrouver dans un de ces petits bars dont il a le secret. 

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LE LIVRE DES FUITES (J.M.G LE CLÉZIO)

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A un moment, Hogan s’arrêta dans sa marche. Il s’immobilisa sur le trottoir, dans la rue illuminée. Le soleil était très haut dans le ciel, brûlant avec violence. Hogan regarda par terre, et il se plongea dans son ombre dense. Il entra dans le puits ainsi ouvert, comme s’il fermait les yeux, comme si la nuit tombait. Il descendit dans la tâche noire, s’imprégna de sa forme et de sa puissance. Il chercha au ras du sol à boire cette ombre, à se gonfler de cette vie étrangère. Mais elle s’échappait toujours, sans bouger, repoussant son regard, reculant les limites de son domaine. Avec application, tandis que les gouttes coulaient sur sa nuque, sur son dos, ses reins, ses jambes, Hogan essaya de fuir la lumière. Il fallait aller plus bas, encore plus bas. Il fallait éteindre sans cesse de nouvelles lampes, briser de nouveaux miroirs. Les voitures en passant jetaient des étoiles, des étincelles avec leurs carrosseries surchauffées. Il fallait crever ces étoiles les unes après les autres. La lumière qui tombait du ciel s’éparpillait en millions de gouttelettes de mercure. Il fallait balayer cette poussière au fur et à mesure, et il y en avait toujours davantage. Les silhouettes des femmes et des hommes, lourds colliers, pendentifs d’or, boucles de verroterie, lustres de cristal, glissaient autour de lui. Hogan avait à briser ces pacotilles, de toutes ses forces, à chaque seconde. (extrait)

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EN DEHORS, EN DEDANS

En dehors ou en dedans ? En dehors et en dedans. C’est sur le et qu’il faut tenir. Mais on ne le peut pas. Le et n’est pas stable, aucun endroit où poser le pied, pas d’appui, pas de contact amical, aucun confort, ni eau, ni gaz, ni électricité. Zazen.

Ce matin pendant quelques secondes la question s’est imposée. Pendant le zazen l’attention est-elle tournée vers les sensations et distractions intérieures ou vers les sensations et distractions extérieures ? Zazen. Quelque part un ventre gargouille. Immanquablement les autres ventres lui répondent. J’écoute mon ventre, plonge dans la tuyauterie, lui ordonne de ne pas rejoindre la meute et je remonte pour écouter le chant d’un oiseau.

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Ryôsan (moine zen du Ryutaku-ji)

Au mois d’août 2019, à l’initiative de Madame Nicole Savigny-Kespi, j’ai eu la chance de rencontrer le moine zen Ryôsan (Seiryo Mizuguchi) du temple Ryutaku-Ji, invité en France par le Centre Assise pour y diriger une sesshin. Cette rencontre amicale s’est déroulée en présence de Madame Nicole Savigny-Kespi, Monsieur Robert Fenié, Monsieur Thierry Vallier et avec la précieuse collaboration de Madame Yuko Murakami qui a accepté d’être notre interprète.

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IL VA PLEUVOIR

« En éprouvant, en vivant les rapports de couleurs, de formes, l’espace, les structures, les rythmes qui sont propres à un artiste, on est introduit à une nouvelle manière de réagir, d’éprouver et de comprendre le monde ; ainsi naissent entre les hommes et le monde de nouveaux rapports, une nouvelle réalité. Cette peinture qui a l’air coupée du monde est cernée par le monde et lui doit son sens. » Pierre Soulages
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Reiko Nonaka (french / japanese version)

DOUBLE VIE (REIKO NONAKA)

« La gémellité, c’est ce qui m’a le plus influencée dans ma vie.

Dans l’enfance, nous partageons complètement nos vies, tout est en double. À partir d’un certain âge, nos chemins se séparent et nous vivons chacun de notre côté, mais le fil qui nous relie ne se rompt jamais. La gémellité, c’est comme une image symétrique pliée en deux. Il y a deux figures presque pareilles avec juste de petites différences. Le pli au centre est un point de contact, une partie partagée qui relie toujours les deux. Certes, nous sommes physiquement deux personnes, nous avons chacun une vie, mais le fait d’avoir partagé le ventre d’une mère avant la naissance crée entre nous des liens très forts à un point difficilement imaginable. La gémellité, c’est un doublement de vie. Depuis le départ, nous formons un ensemble et nous vivons une « double vie », parfois partagée et parfois séparée, pour toujours. »

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Mami Suzu et Izaki Tetsuya (french and japanese version)

Avril 2007. Quartier de Nishi Shinagawa à Tokyo. Les grandes tours de Shinagawa se profilent au loin. Le centre de la TOTTO FOUNDATION et du JAPANESE THEATRE OF THE DEAF se niche au cœur d’un labyrinthe de petites rues paisibles avec des jardins. Pour cette rencontre, Mme KOIKE Noriko est mon interprète ; Elle pratique la langue des signes japonaise et parle un excellent français. Deux comédiens sourds ont gentiment accepté de répondre à mes questions : MAMI SUZU et TETSUYA IZAKI. Par un bel après-midi ensoleillé, les mains s’envolent et tourbillonnent, les yeux pétillent de malice…  Lire la suite

PARIS AU MOIS D’AOÛT (RENÉ FALLET)

Mais oui madame ! C’est quand revient le joli mois d’août, que chaque année me reprend l’envie de re-re-re-lire cette merveille parmi les merveilles, « Paris au mois d’août » de René FALLET.  Bonheur, ô combien amplifié par les années, de retrouver la verve de cet écrivain qui injustement disparait progressivement de nos mémoires. Je dirais que sur cette fameuse île déserte, vous savez, celle où personne ne viendra jamais vous chercher, j’emporterais au moins deux livres,  KEROUAC et ses Clochards célestes et FALLET avec son Paris au mois d’août. Et il me semble bien qu’avec ces deux-là, je pourrais toujours me souvenir d’où je viens et qui je suis, quelque soit l’épreuve.

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ASSISE

C’est un lieu, mais peut-être n’est-ce qu’une impression. Un lieu de passages en somme. Comme sur une page blanche, ici les corps se laissent imprimer, par les heures de l’assise. Le temps du silence qui creuse un peu plus nos histoires. C’est un lieu de rendez-vous. Mais personne ne sait vraiment, qui il attend. J’ai longtemps cherché cette adresse. De ce lieu caché dans une rue secrète, avec sa porte secrète, son escalier secret et ses occupants, secrets aussi. Allons, allons, ne nous mentons pas . Il n’y a de secret, que ces yeux qui brillent au fond de nous.  Lire la suite

TOUT DE MÊME

Tout de même, il existe un coin de terre, là-bas vers le sud. Les pierres, les fleurs, les bêtes et les gens y sont parfumés par la balaguère ce joli vent d’Espagne qui nous vient d’Afrique. Là-bas mon cœur s’apaise aux gargouillis des fontaines et je peux vraiment croire au monde. Une décennie est passée, j’ai enfin pu réaliser ma promesse faite à une petite bergère de plâtre de revenir vers elle … Je lui avais dit, si tu peux m’aider, d’une façon ou d’une autre, bien sûr si tu as le temps …

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Sharon Evans (french / japanese version)

Délicieuse rencontre avec une américaine devenue pour un temps parisienne et puis maintenant devenue occitane. Sharon voyage dans sa vie et nous fait voyager dans ses contes. Je me souviens également que cette conversation fut la première des interviews dans laquelle fut abordé l’enseignement du bouddhisme. 

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