
Le chat hésite sur le seuil. Juste devant. Va-t-il entrer ou sortir ? Pas moyen de fermer. « Eh bien ? … Tu te décides ? » klioutcharev le presse par l’intonation de la voix, puis il claque la porte de l’appartement et descend rapidement, dépassant le chat qui bondit souplement de marche en marche. Il sort dans la rue.
La fin de son ami Pavlov lui revient à l’esprit. comment est-il mort ? Pour quelle raison ? … Il n’en sait rien. Deux cents personnes ont péri dans la foule, rien que sur le boulevard. La foule ne compte pas ses morts. (Mais Pavlov n’y était pas.)
Klioutcharev évite de penser au vide ambiant et aux habitants qui se terrent dans leurs appartements aux stores soigneusement baissés. Bien sûr, c’est un peu étrange de ne voir personne. Mais qui dit absence de gens dit absence de danger. L’air est tiède. Le soir tombe. Mais il ne fait pas encore nuit. La douceur du soi est chargée de menaces, comme si des coups de sifflets étaient sur le point de retentir, comme si la foule, où règne la loi du plus fort, allait soudain déferler avec son cortège de meurtres et de pillages. Cette sensation pénible est presque insurmontable. Cependant, la rue est déserte. Aucun bruit. Telle est la vie, dorénavant … Ces pensées craintives, ces subtiles pensées d’intellectuel défilent dans son esprit pendant qu’il marche.
En regardant la ville d’en haut à cette heure, on pourrait constater qu’elle est vide, pas une âme, pas une voiture ne circule (les véhicules garés au bord des trottoirs ne font que souligner l’immobilité générale). Les trottoirs sont dépeuplés. Quelqu’un, seul, marche au milieu d’une rue ; il porte un pull et un bonnet dont le pompon oscille à chaque pas. C’est notre ami Klioutcharev (légèrement vieilli ; ses tempes grisonnent déjà fortement. Mais il se défend encore. Un homme dans la force de l’âge).
Lire la suite →